Interpeller une marque en un clic. C’est ce que propose désormais Yuka à ses 37 millions d’utilisateurs en France et aux Etats-Unis. Objectif on ne peut plus clair pour l’appli de notation de la qualité nutritionnelle : pointer du doigt publiquement les marques dont les produits contiennent un des 55 additifs catégorisés comme « à risque » (code couleur rouge sur l’application) les plus répandus. Il s’agit entre autres de sels de nitrite et de nitrate (E249, E250, E251 et E252), du mono/diglycérides d’acides gras (E471), de l’aspartam ou encore de certains colorants alimentaires.
Concrètement, quand un utilisateur scanne un tel produit en faisant ses courses, il peut depuis son application envoyer un email prérédigé au service client du fabricant et, ou au choix, publier un tweet pour l’épingler publiquement. Le tout assorti d’un hashtag dénonciateur et bien senti : « Balance ton additif ». Au total, cette fonctionnalité cible au moins 15.000 produits alimentaires sur les 3 millions référencés aujourd’hui en France dans l’appli, estime Julie Chapon, cofondatrice de Yuka.

1.200 marques françaises dans le viseur
L’application veut ainsi mettre sous pressions des fabricants bien connus de sodas, de jus de fruit, de gâteaux, ou encore des marques de confitures ou de chips… Une liste loin d’être exhaustive. Rien que pour la France, Julie Chapon estime à 1.200 les marques qui sont dans leur collimateur, et qui pourraient donc se retrouver mises sous les projecteurs à leur corps défendant.

« C’est le « truc » le plus gros que l’on a lancé depuis la création de l’application en 2017 », se réjouit la cofondatrice, assumant un pari « juridiquement risqué » et un projet « très militant ». Aux yeux de la patronne, le dispositif est toutefois conforme aux deux ambitions initiales de son entreprise : « mieux consommer » et « mettre la pression sur les industriels ».

Pour mener cette nouvelle bataille, les rangs de l’équipe (composée de 16 personnes aujourd’hui) se sont récemment étoffés en embauchant à plein temps l’avocate Louise Decarsin, qui les a justement épaulés dans une affaire de nitrites. Trois années de « tumulte juridique », résume Julie Chapon, remporté en appel contre la Fédération des entreprises de charcuterie traiteur (FICT), qui regroupe plus de 300 entreprises.
Pour rappel, en janvier 2021, la FICT a attaqué Yuka en justice pour « dénigrement » des charcuteries françaises. Elle reprochait à la société éditrice de l’application « des allégations fausses dénuées de fondement scientifique sur le caractère cancérigène des nitrites de la charcuterie ».
La FICT avait remporté la première manche de son action face au tribunal de commerce de Paris. Tout comme les entreprises de charcuterie qui avaient engagé des actions individuelles devant les tribunaux de commerce d’Aix-en-Provence et de Brive-la-Gaillarde.

« On a la jurisprudence avec nous ! »
Mais le vent a tourné en appel. Le 8 juin 2023, la Cour d’appel de Paris a reconnu le droit à Yuka, après les Cours d’appel d’Aix en Provence et de Brive-la-Gaillarde, d’alerter sur les risques pour la santé des additifs à base de nitrites et de nitrates dans l’alimentation, au nom de l’intérêt général.
Pour la dirigeante, cet épisode marque un tournant. « Ça nous a coûté beaucoup d’énergie et plus de 400.000 euros de frais de défense mais on a gagné », se réjouit-elle, estimant qu’avec une jurisprudence « avec nous, tout peut changer ! »

Si les utilisateurs français et américains s’approprient le bouton, la prochaine étape sera de le dupliquer aux dix autres pays (soit 23 millions d’utilisateurs) dans lesquels Yuka est disponible, et aux 2 millions de produits cosmétiques déjà répertoriés dans l’appli. Et surtout, d’ajouter d’autres canaux d’interpellation comme Instagram, Threads ou encore Bluesky.

Lire l’article complet sur : www.lesechos.fr