Nos tout premiers dirigeants ont commis une grave erreur : ils ont tout de suite parlé de développement au lieu de parler d’éducation. Ils ont voulu bâtir la maison en commençant par le toit. Il fallait commencer par poser la première pierre, c’est-à-dire préparer les générations du développement. Cela veut dire quoi, préparer les générations du développement ? Cela veut dire établir un plan simple, plein de bon sens, parfaitement réalisable à moyen terme : nourrir, éduquer, soigner. Surtout, éduquer ! Avant les autoroutes et les néons, la bonne sauce et la bonne science !
C’est pour avoir oublié cela que l’Afrique a décroché pour laisser la voie libre à l’Asie du Sud-Est. Pourquoi croyez-vous que la Corée du Sud qui, dans les années 1960, avait un niveau de vie comparable à celui de la Guinée est devenue la 13e économie du monde ? Parce qu’elle a consacré 60 % de son budget à l’éducation pendant au moins 40 ans. Vous connaissez sans doute, cette blague qui court sur le pays du Matin calme : Quand le téléphone portable a été inventé, ce pays de 40 000 000 d’habitants n’en aurait commandé que 19 exemplaires pour ses 19 meilleurs ingénieurs et cela aurait donné Samsung qui pèse aujourd’hui près de 240 milliards de dollars, soit plus d’une fois et demie le PIB du Nigeria, la plus grande puissance économique du continent ?
Le succès de la Corée du Sud
Dix-neuf téléphones pour 40 000 000 d’habitants, c’est peut-être une blague de corps de garde. Il n’empêche que plus personne ne peut nier que l’éducation est la condition sine qua non du développement. Pour nous en convaincre, quittons l’Asie, mettons l’humour de côté, tournons notre regard vers la Suisse, ce pays sérieux où toutes les plaisanteries sont de mauvais goût. Pourquoi ce pays qui n’a ni or, ni diamant, ni bauxite, ni cobalt, qui n’a rien d’autre que des sapins et des neiges, détient-il le niveau de vie le plus élevé du monde ? La réponse est simple : parce que c’est la patrie de Piaget, le père de la pédagogie moderne. On n’a pas besoin de relire La Fontaine pour savoir qu’il y a plus de trésors cachés dans les collèges suisses que dans les banques du même pays.
Inversement, pourquoi l’Afrique, ce scandale géologique du monde est-il le continent le plus pauvre ? Parce que seulement 9 de ses 49 pays consacrent plus de 20 % de leur budget à l’éducation et que 6 d’entre eux n’atteignent même pas la barre ridicule des 10 %.
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L’instruction comme levier de développement
Mais la Corée du Sud et la Suisse, c’est trop loin. Restons en Afrique et comparons ce qui est comparable : il saute aux yeux que la Tunisie, le Ghana, la Namibie, l’île Maurice, l’Algérie, le Cap-Vert, le Maroc, l’Afrique du Sud et le Kenya (les neuf pays cités plus haut) ont un niveau de vie nettement supérieur à celui du Soudan, du Soudan du Sud, de la Guinée, du Niger, du Burkina ou du Mali (les six derniers de la classe).
Certes, les défis à relever étaient énormes, certes, nos dirigeants pour la plupart étaient sans diplôme (le nombre de nos universitaires se comptait alors sur le bout des doigts) et sans expérience dans un contexte particulièrement ingrat, celui de la guerre froide. Malgré tout, si aujourd’hui nos pays vont à vau-l’eau, on est en droit de dire que c’est de la faute des pionniers de nos indépendances qui ont tous, à peu de chose près, manqué de discernement. Dans l’analyse géopolitique comme dans les projections économiques, les envolées lyriques et les projets sans lendemain ont très vite pris le pas sur le sens des réalités. S’ils avaient pris la peine d’instruire, s’ils s’étaient souciés de santé et d’agriculture, je ne dis pas que Bamako aurait le même clinquant que Séoul mais au moins les enfants du Mali ne finiraient pas dans les ventres des requins au large de Lampedusa.
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