En quelques années, VRROOM s’est imposé comme un acteur français majeur dans l’industrie des technologies immersives. Après avoir éprouvé son savoir-faire en organisant des spectacles et des événements virtuels pour le compte de France Télévisions, Microsoft ou encore du Ministère de la Culture, Perpetual eMotion, l’entreprise exploitante de la marque VRROOM, s’est lancé dans le développement de sa propre plateforme métavers pour mieux adresser les enjeux spécifiques au monde du spectacle et du divertissement. Développée en trois ans avec un budget de 5 millions d’euros, la plateforme qui rivalise avec les mastodontes américains du secteur est l’unique projet métavers lauréat du French Tech 2030. Alors que tous les voyants étaient au vert pour assurer le développement de la plateforme métavers portée par VRROOM, contribuant à assurer la souveraineté franco-européenne dans le domaine, l’entreprise a, contre toute attente, dû mettre la clé sous la porte en l’espace de deux mois. Louis Cacciuttolo, CEO et Fondateur de Perpetual eMotion et exploitant de la marque VRroom, nous explique la situation ubuesque rencontrée par sa startup et l’urgence de retrouver un repreneur de son code source. 

Vous avez récemment annoncé la cessation de votre activité en France. Vos ambitions autour du métavers se sont-elles estompées ?

Louis Cacciuttolo, CEO et Fondateur de Perpetual eMotion et exploitant de la marque VRroom.

Le métavers, j’y crois toujours autant. J’ai l’intime conviction que ce marché décollera lorsqu’il pourra se passer du casque de réalité virtuelle tel que nous le connaissons, car ce n’est pas un équipement approprié pour des usages quotidiens. A mon sens, l’entrée d’Apple dans le domaine avec un casque de réalité mixte, n’est que la prolongation du savoir-faire historique de la marque qui consiste à créer des écrans. Cela a débuté avec l’ordinateur fixe puis portable, le smartphone puis la montre connectée et désormais le casque qui n’est ni plus ni moins qu’un écran finalement. A terme, ce dispositif a vocation à remplacer tous les écrans.

C’est une vision à laquelle je crois à condition que la marque parvienne à s’affranchir de la configuration actuelle du casque. La première édition de l’Apple Vision Pro est le silex de la marque à la pomme dans le domaine du métavers. Au fil des éditions, il deviendra plus léger, plus petit et sans câblage pour finalement ressembler au modèle de lunettes développé par Meta. Le jour où les casques de réalité virtuelle seront aussi facile à porter qu’une paire de lunettes classique, le marché explosera et ces équipements remplaceront tous les écrans. Un scénario susceptible de voir le jour au cours des 10 prochaines années. 

Votre plateforme métavers a suscité un engouement particulier au sein des instances gouvernementales, pouvez-vous nous en dire plus ?
Le projet a été reconnu comme seul métavers suffisamment développé pour définir une vision de la souveraineté française dans le domaine. Celle-ci a été identifiée comme pouvant rivaliser avec des gros acteurs américains de l’industrie comme Horizon de Meta qui investit 1 milliard de dollars par an dans son projet métavers. Une plateforme comme VRChat a coûté 90 millions de dollars pour 8 ans de développement, nous sommes parvenus aux mêmes résultats en 3 ans et avec 5 millions d’euros.

Notre équipe a notamment pu bénéficier de l’expertise d’Antony Vitillo, dont la voix porte énormément dans l’industrie des technologies immersives. Nous avons pu développer le projet de cette façon grâce à lui et une équipe agile et très restreinte, une sorte de commando du métavers. Malheureusement, Perpetual eMotion, qui portait le développement de la plateforme métavers que nous avons lancé en novembre 2023 et bénéficiait d’un soutien des instances gouvernementales comme le programme French Tech 2030 et de nombreuses subventions, a été contrainte de cesser ses activités au début 2024. 

Subventions, expertise technique, agilité de l’équipe, etc. Tous les ingrédients semblaient réunis pour assurer la pérennité du projet. Que s’est-il passé ?

Perpetual eMotion était dans une phase de levée de fonds au cours de laquelle nous étions éligibles à de nombreuses subventions et avance remboursables d’acteurs comme la Caisse des dépôts, la région Occitanie, la BPI, etc. Pour pallier le temps long nécessaire au déblocage de subventions, nos partenaires bancaires ont accepté de réaliser des avances jusqu’au jour où, en janvier 2024, l’un de nos deux partenaires  a bancaire a refusé de faire l’avance. Cela a été une réaction en chaîne : l’autre banque a suivi cette décision et nous nous sommes retrouvés très rapidement en incapacité de paiement. J’ai essayé de débloquer des subventions et de trouver un autre partenaire bancaire mais le dossier a été bouclé en 1 mois et demi, Perpetual eMotion s’est retrouvé en liquidation judiciaire. Ma conviction vis-à-vis du métavers reste toutefois intacte.

La marque VRroom continue d’être exploitée. En quoi votre activité consiste-t-elle désormais ?

Nous avons un studio de production de contenus de réalité mixte basé en Italie, qui constitue l’activité historique de Perpetual eMotion. Ce sont les développements qui ont vu le jour là-bas qui nous ont conféré nos lettres de noblesse et permis de collaborer avec des acteurs comme Microsoft, le Ministère de la Culture, France Télévisions ou encore La biennale de Venise. Nous avons pu expérimenter plusieurs plateformes – Sandbox, VRchat, Roblox, etc. – mais celles-ci ne répondaient pas aux besoins spécifiques de l’industrie du spectacle et du divertissement.

C’est ce qui nous a poussé à développer notre plateforme pour permettre à n’importe quel artiste d’organiser un spectacle ou un événement culturel monétisable dans le métavers. L’idée étant de créer un Youtube du métavers, une vision à laquelle quelques artistes visionnaires adhèrent encore aujourd’hui et constituent des acquéreurs potentiels de notre code source.

Votre priorité est donc d’assurer la survie de la plateforme métavers en trouvant un acquéreur de son code-source ?

Ma plus grande crainte est de voir le code-source et la plateforme, deux outils ultra-performants et opérationnels, disparaître. J’ai pendant longtemps adhéré à l’idée selon laquelle la souveraineté numérique franco-européenne est très importante. Le métavers revêt autant d’enjeux sociaux et même civilisationnels qu’économiques. Ce sont des espaces d’expression libre permettant notamment de faire rayonner un point de vue culturel européen, présenter une autre vision du monde et ainsi échapper un petit peu au wokisme américain, à l’image de la francophonie.

« L’urgence est de retrouver un repreneur de notre code-source. »

Malgré le fait que nous avons apporté toutes les garanties permettant à notre vision de se réaliser, nous nous sommes heurtés à la réalité de l’investissement en France, où la majorité des fonds d’investissement recherchent malheureusement du ROI à très court terme. Avec le recul, le fait d’avoir persisté à vouloir trouver des investisseurs français était une erreur. Désormais, si un repreneur peut permettre d’éviter que le projet tombe aux oubliettes, peu m’importe qu’il soit chinois, saoudien ou américain. 

Vous recherchez donc un repreneur pour développer votre plateforme métavers. Celle-ci s’adresse-t-elle uniquement à l’industrie du spectacle et des divertissements ?

L’urgence est de retrouver un repreneur de notre code-source. Il faut préciser que celui-ci est très agile et modulaire et peut tout à fait être réorienté en fonction des besoins du projet. Aussi, il est accessible à très bas prix, alors qu’il représente plusieurs millions d’euros d’investissements. Pour ce qui est du coût opérationnel de la plateforme, il se monte à peu près à 1,5 million d’euros par an, avec les équipes techniques, sachant que des revenus commerciaux étaient déjà quasiment signés et que le projet est toujours éligible à des subventions dans le cadre du programme France 2030.

A partir du moment où l’on crée un environnement virtuel dédié à une interaction sociale, le champ des possibles est très large. La plateforme métavers peut être utilisée autant comme un lieu de rencontre amoureuse qu’un espace de reconstitution de scène de crime. L’outil, qui a déjà accueilli des émissions spéciales pour France Télévisions, est également adapté à l’industrie des médias mais aussi aux acteurs du monde muséal qui s’intéressent beaucoup au sujet de l’immersion ou encore du patrimoine. Le concert Versailles 400 réalisé avec Jean-Michel Jarre illustre comment le métavers permet d’étendre l’aura d’un monument lors d’une manifestation particulière et propose des expériences différenciantes qui sont souvent irréalisables sur site. La plateforme est très flexible et disponible immédiatement à très bas coût. Ma priorité est qu’elle continue son développement, et ce, avec ou sans nos équipes. 

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