Certaines faillites en disent plus long que le simple état de santé de l’entreprise touchée. La chute du champion européen des batteries pour véhicules électriques, Northvolt, est de celles-ci. En grande difficulté financière, le suédois a demandé à être placé sous la protection de la loi américaine sur les faillites (chapitre 11) pour faciliter sa réorganisation.
Cette décision va « permettre à la société de restructurer sa dette, d’adapter son activité aux besoins de ses clients et d’assurer une base durable pour la poursuite de ses activités », a affirmé l’entreprise dans un communiqué, précisant que son activité allait se poursuivre normalement. Un temps de réflexion, donc, alors que l’horizon immédiat des constructeurs de batterie électrique européens s’est largement assombri. Tour d’horizon.

Des investisseurs effrayés par la baisse de la demande
Northvolt cherche depuis plusieurs semaines des investisseurs pour se refinancer à court terme et éviter la faillite. Mais la baisse de la demande des véhicules électriques tend à effrayer les potentiels financeurs. A Wall Street, c’est tout le secteur qui s’effondrait en début d’année, dans un mouvement global de défiance des investisseurs. Autre signal d’alerte : le constructeur allemand BMW a annulé cet été un contrat de 2 milliards d’euros de fourniture de batteries auprès de Northvolt.
Résultat, la plupart des fabricants de batteries ont annoncé ralentir leurs investissements dans de nouvelles infrastructures. L’entreprise franco-allemande ACC a indiqué dans le journal régional allemand « Die Rheinpfalz », début juin, mettre « sur pause » la construction de son usine allemande de batteries. Contacté par « Les Echos », l’Airbus de la batterie – comme on le surnomme – a admis avoir également repoussé son projet de gigafactory italienne à Termoli, dans la province du Campobasso.
Le chinois Svolt annonçait lui aussi, au printemps, abandonner son projet de deuxième gigafactory, en Allemagne. Même cause, mêmes effets : il mettait en avant le ralentissement de la progression des ventes de voitures électriques en Europe. L’industriel chinois fournissant notamment, avec sa première usine européenne, la Citroën ë-C3.

La concurrence chinoise tire les prix vers le bas
Outre l’érosion de la demande, les fabricants européens de batteries doivent faire face à une chute vertigineuse des prix. La raison ? « En grave situation de surproduction, les entreprises chinoises sont prêtes à casser les prix pour trouver des débouchés à l’export, notait en septembre Christopher Iaco, fondateur du cabinet de conseil Bonsai Technology et ancien de Tesla. Logiquement, ils trouvent beaucoup d’appétit du côté des constructeurs européens. »
La cellule de batterie « low cost » dite LFP, car faite de lithium, de fer et de phosphate, a touché le plancher des 60 dollars le kilowattheure, contre plus de deux fois plus il y a dix-huit mois. La pression sur les fabricants de batteries du Vieux Continent, qui parviennent tout juste à accélérer leurs cadences après des lancements industriels très difficiles, s’en trouve d’autant plus forte.

·Une technologie difficile à maîtriser
Une autre difficulté, plus intrinsèque aux fabricants de batteries, entache lourdement la montée en puissance de leurs productions. C’est une technologie relativement difficile à maîtriser. Le taux de rebuts, appelé aussi taux de « scrap », est très élevé les premières années. Rien d’anormal, estiment les spécialistes, surtout pour des nouveaux acteurs.
Mais, comme en Europe plus de la moitié « de la capacité de production est constituée de nouveaux entrants qui n’ont donc pas d’expérience », estime l’un d’eux, la montée en puissance est plus lente qu’aux Etats-Unis. Outre-Atlantique, la quasi-totalité des projets d’usines de batteries sont portés par des acteurs expérimentés, grâce à des coentreprises créées avec des Coréens.
Connaissant des difficultés similaires de montée en puissance, le patron d’ACC, la coentreprise Stellantis-Mercedes-Total, assure toutefois que les taux de rebuts souvent évoqués sont « faux ». « J’ai entendu des bêtises, certains disant que nous jetons la moitié des batteries que nous produisons », a affirmé Yann Vincent dans un entretien exclusif aux « Echos » début octobre.
Selon lui, 98 % des modules de batterie assemblés en fin de processus « sont bons ». Les rebuts intervenant avant, la fabrication nécessitant quatre grandes étapes. « En faisant le compte, nous avons un rendement de 50 % sur les deux premières [étapes]. En mai, nous étions à 25 % seulement », a-t-il insisté. Il n’empêche, cette difficulté à maîtriser la technologie a des conséquences réelles et directes sur les fabricants européens de batteries. BMW aurait ainsi annulé son contrat avec Northvolt pour des raisons de qualité.

L’essor de la technologie LFP
Enfin, dernière difficulté et non des moindres : le choix technologique des fabricants européens de batteries pourrait bien déjà être obsolète. Ou, pour être plus précis, ne plus correspondre aux attentes des constructeurs. ACC, tout comme Northvolt, fabrique actuellement des batteries lithium-ion NMC (nickel, manganèse, cobalt) de haute performance. Elles sont issues des travaux de recherche et développement de Saft, filiale de TotalEnergies. Une autre technologie, maîtrisée à ce stade par les acteurs chinois et coréens, rencontre cependant un succès grandissant.
Ces batteries, dites LFP (pour lithium, fer, phosphate), ont le principal avantage d’être moins chères que les NMC. Elles sont aussi moins denses et donc offrent moins d’autonomie que les NMC. Mais, dans la période inflationniste actuelle, où la demande ralentit et où les aides à l’achat de voitures électriques dans les différents Etats européens s’amenuisent, les constructeurs automobiles tendent à privilégier le facteur prix et se tournent plus volontiers vers des fabricants de batteries LFP.

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