Elon Musk était l’un des signataires, en mars 2023, de la la lettre réclamant une pause dans la course à l’intelligence artificielle générative. Quatre mois plus tard, il se lançait sur ce marché avec xAI. Il est désormais l’un de ceux qui courent le plus vite. Six mois après avoir levé 6 milliards de dollars, la start-up qui édite le chatbot Grok vient en effet d’engranger 5 milliards supplémentaires, ce qui lui permet de doubler sa valorisation à 50 milliards de dollars.
Le fonds souverain du Qatar, Qatar Investment Authority et Valor Equity Partners ont participé au tour, selon le « Wall Street Journal », ainsi que Sequoia Capital et Andreessen Horowitz, qui avaient déjà participé au précédent cycle – avec Fidelity Management & Research Company, et le prince saoudien Al-Walid ben Talal. Comme pour ses autres entreprises (Tesla, SpaceX et X), l’intérêt des investisseurs pour xAI a été stimulé par la victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine.
Sans garde-fous ou presque
xAI est surtout connu pour éditer le modèle de langage (LLM) propulsant le chatbot Grok, uniquement disponible pour les abonnés premium du réseau social X. Contrairement aux autres modèles du marché (OpenAI, Microsoft, Google, Anthropic…), celui de xAI agit – à de rares exceptions près comme les contenus pornographiques par exemple – sans garde-fous, au nom des idées libertariennes d’Elon Musk.
Si Grok est capable de fournir des réponses dans les standards du marché, il peut aussi reproduire des visages de personnalités politiques ou protégées par des licences, là où les rivaux se l’interdisent. Du reste, Grok doit s’exprimer avec un ton direct et humoristique, à l’image de son patron. Il peut compter pour cela sur les données de X sur lequel il est entraîné. Elon Musk a aussi invité ses membres à lui partager des données médicales, radios ou IRM…
Pour propulser le tout, xAI mise sur un superordinateur baptisé Colossus et situé à Memphis dans le Tennessee, proche du fleuve Mississippi. Comme les usines de Tesla, il cumule les superlatifs avec 100.000 puces Nvidia H100, ce qui en fait « le superordinateur le plus rapide de la planète en tant que cluster unique », selon les mots du patron de Nvidia, Jensen Huang. A 45.000 dollars par puce, le bâtiment coûte plus cher que le One World Trade Center de New York. Et il a été bâti en à peine 122 jours, un record.
La « méthode Musk » appliquée à l’IA
« C’est la méthode Musk qui est déjà en marche, comme dans les usines Tesla ou chez SpaceX, où il cherche à tout optimiser », compare Stéphane Distinguin, cofondateur et CEO de Fabernovel.
Pour le reste, les rares chiffres disponibles sont moins flatteurs. Alors que ChatGPT a 200 millions d’utilisateurs hebdomadaires, Grok est encore limité aux 640.000 abonnés premium à X, a mesuré Statista (sur un total de 250 millions d’utilisateurs actifs).
Le moteur a aussi beaucoup fait parler de lui lors de l’élection présidentielle américaine… en mal. Contrairement aux autres IA, plus prudentes, Grok s’est lancé dans des prédictions hasardeuses, annonçant la victoire de Trump dans certains Etats avant même la fin du dépouillement des bulletins. La donne pourrait néanmoins changer.
Se tourner vers les entreprises
« Des tests sont menés en Nouvelle-Zélande pour ouvrir Grok », pointe un bon connaisseur. « A New York, on voit des publicités partout pour les différents modèles d’IA. Tous les acteurs cherchent à capturer des parts de marché. Le gagnant raflera tout », poursuit-il, précisant que derrière chaque entreprise d’Elon Musk, il « y a autant un projet de société qu’un besoin de rentabilité ».
Comme ses concurrents, xAI devra se tourner vers les entreprises pour chercher à rentabiliser ses lourds investissements. En guise de premier pas, la start-up a rendu son modèle Grok-1 disponible sur la plateforme Hugging Face. Mais il n’y a pas foule.
« L’API n’a été téléchargée que 3.000 fois, ce n’est rien du tout, relève un porte-parole de la plateforme. Grok est un trop gros modèle et il coûte trop cher pour les entreprises qui veulent l’installer. »
Dans cette course de vitesse de l’IA, Elon Musk n’hésite pas à mettre des bâtons dans les roues de ses concurrents, comme OpenAI, qu’il a attaqué en justice après son changement de statut en entreprise à but lucratif. Lui se vante de proposer un modèle partiellement ouvert (open source), permettant aux développeurs d’accéder au code. Pour Emmanuel Vivier, cofondateur du Hub Institute, « il s’agit d’éviter que l’intelligence artificielle générale finisse aux mains d’une grande entreprise privée ».
Grâce aux capitaux levés, Elon Musk va aussi pouvoir doper son modèle en achetant 100.000 nouveaux processeurs auprès de Nvidia et tenter ainsi de se différencier de la concurrence. Le fournisseur star de puces IA pourrait d’ailleurs, selon le « Financial Times », participer à la prochaine levée de fonds de xAI, déjà en préparation.
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