Nouveau coup de tonnerre dans un audiovisuel français déjà en pleine ébullition. Alors que l’Arcom, le gendarme du secteur, est dans la toute dernière ligne droite pour finaliser l’attribution de 15 fréquences de la TNT, le groupe Canal+ a pris une décision drastique pour ses quatre chaînes payantes. Confirmant nos informations, la filiale de Vivendi a annoncé qu’elle allait rendre la fréquence de sa chaîne phare, qui occupe le très prisé canal 4, ainsi que celles de ses trois autres canaux payants (Canal+ Cinéma, Canal+ Sport et Planète+).
Jeudi en fin d’après-midi, le groupe Canal+ s’est fendu d’un communiqué se plaignant de « décisions fiscales et réglementaires pénalisantes pour [son] exploitation en France ». Pour justifier son choix d’arrêter la TNT payante, qui prendra effet dès le mois de juin, il avance plusieurs raisons : augmentation de sa taxe versée au Centre national du cinéma (CNC), menaces sur son taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) « pourtant directement lié à son statut de premier financeur du cinéma français » et, enfin, le retrait de la fréquence TNT de C8, une de ses trois chaînes gratuites.
Source marginale de revenus
Déjà en 2020, le groupe dirigé par Maxime Saada avait brandi la menace de sortir de la TNT payante. L’enjeu à l’époque était de faire pression sur les autorités pour conserver une TVA réduite (ce que Bercy lui conteste) et un meilleur positionnement dans la diffusion des films par rapport aux plates-formes mondiales de streaming (Netflix, Amazon, Disney+).
A l’époque, Canal+ avait fini par renouveler la licence de sa chaîne phare (sur le canal 4) d’abord pendant trois ans, puis pour seulement dix-huit mois, jusqu’au 5 juin 2025. Mais aujourd’hui, l’alignement des planètes semble bien différent.
Sur le plan fiscal, Canal+ a depuis été visée par plusieurs propositions de rectifications, et doit déjà régler 131 millions d’euros avant la fin de l’année. Pour le groupe, la TNT n’est donc plus synonyme de TVA à taux réduit. Sur le plan commercial, ensuite, la TNT payante est devenue une source marginale de revenus.
Dans le prospectus préalable à son entrée en Bourse, prévue le 16 décembre sur la place londonienne, Canal+ écrit que fin septembre, seulement 70.000 de ses abonnés (moins de 1 % du total de ses clients français) recevaient le signal de la chaîne uniquement via le décodeur TNT. Le résultat d’un basculement vers les usages numériques qui s’accélère du fait du déploiement de la fibre sur le territoire et de la généralisation des visionnages sur Internet et sur les box, prisés par les plus jeunes. Depuis un an et demi, le nombre d’abonnés de moins de 26 ans a doublé à 500.000 pour Canal+. Sans compter que le groupe mise surtout sur la croissance à l’international.
« Seuls les abonnés qui sont encore sur la TNT seront concernés, précise Canal+. Le groupe leur proposera les équipements nécessaires afin qu’ils puissent continuer à profiter de l’ensemble des programmes de leurs chaînes sur d’autres modes de diffusion » (satellite, box, les opérateurs télécoms, Internet, etc).
Cotation à la Bourse de Londres
Cette décision arrive en plein projet de scission de Vivendi en plusieurs entités, qui doit encore être validé par les actionnaires réunis en assemblée générale lundi 9 décembre. Ce projet se concrétisera par l’entrée en Bourse des différentes entités, dont Canal+. Or, réaliser des économies sur les coûts de distribution de ses chaînes hertziennes – une dizaine de millions d’euros de frais fixes pour chaque fréquence – serait un argument de plus pour séduire les investisseurs.
Toutefois, le canal 4 représente encore potentiellement un actif précieux dans le paysage audiovisuel français. Il n’y a qu’à voir l’intense lobbying déployé par les nouveaux entrants de la TNT (Reels TV et OFTV) pour obtenir les fréquences 8 ou 12 (libérées par C8 et NRJ 12) et ne pas se retrouver en 26e et 27e positions dans le zapping des Français. A priori, le canal 4 ne sera pas réattribué.
Les conventions de toutes les chaînes devraient être finalisées d’ici à la semaine prochaine, le groupe Canal+ conservant deux fréquences en clair (CNews et CStar). Le flou demeure encore sur l’avenir de Cyril Hanouna et de son émission « TPMP », qui pourrait basculer sur CStar après l’arrêt de C8.
Chronologie des médias
Ce chamboulement du paysage de la TNT intervient au moment où se négocie la chronologie des médias. Canal+, en tant que premier financeur du cinéma français, avec 200 millions d’euros par an (hors OCS ), joue historiquement un rôle prépondérant. La chaîne dispose jusqu’à présent d’une fenêtre privilégiée, avec le droit de diffuser un film six mois après sa sortie en salle, quand Netflix est à quinze mois, et Disney à dix-sept mois.
Mais selon nos informations, Disney serait prêt, dans la négociation actuelle, à augmenter considérablement sa contribution pour se rapprocher des six mois de Canal+. Cela permettrait au géant américain de proposer à ses abonnés son imposant catalogue de films, dont certains rencontrent un grand succès en salle, comme en ce moment « Vaiana 2 », beaucoup plus tôt qu’actuellement.
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