Après les barons du chemin de fer, du pétrole et de la banque au XIXe et XXe siècles, la crypto-oligarchie espère son heure venue au XXIe siècle avec l’arrivée de Donald Trump au pouvoir. Elle compte de nombreux soutiens, dans la nouvelle administration en formation. Au Commerce, Howard Lutnick sera le monsieur « guerre commerciale », chargé des droits de douane. « A la ville », il est encore le dirigeant du courtier Cantor Fitzgerald, le « banquier » de l’une des principales et des plus controversées firmes des cryptos, Tether (USDT). Il conserve les actifs de cette dernière, émis en garantie de ses cryptos stables (stablecoins). Il s’agit notamment d’un portefeuille de dette d’Etat américaine de 102,5 milliards de dollars (à fin septembre), essentiellement à court terme (moins de 90 jours). Cantor réalise aussi toute une série d’opérations et de services (financement, conseil…) pour le compte de son client.
Giancarlo Devasini, le propriétaire de Tether, un ancien chirurgien plastique qui évite prudemment de se rendre aux Etats-Unis, se serait félicité qu’Howard Lutnick puisse mettre ses relations politiques au service de la défense des intérêts de Tether, selon le « Wall Street Journal ». Avec désormais un tel soutien dans une Maison-Blanche bientôt ouverte aux quatre vents de la dérégulation des cryptos, le géant Tether peut espérer être à l’abri des poursuites.
Outre une relation commerciale, une union capitalistique rapproche les deux sociétés. Cantor va acquérir 5 % du capital de Tether, selon un accord noué l’année dernière, d’après le quotidien américain. Il valorisait Tether autour de 12 milliards de dollars. Le groupe, aux effectifs modestes (200 personnes) et adepte des paradis fiscaux (Bahamas), est un des plus rentables du secteur des cryptos. Il a gagné 7,7 milliards de dollars sur les neuf premiers mois de l’année, soit 1,2 million de dollars par heure. Ses principaux clients sont les grandes firmes de trading et les fonds cryptos.

Conflits d’intérêts
Depuis l’élection de Donald Trump, la capitalisation de Tether (USDT) a gagné 10 % à 132 milliards de dollars, l’envolée des cours attirant de nouveaux investisseurs et traders. Ils convertissent leurs dollars en crypto stables, pour obtenir des liquidités, afin de spéculer. Mais l’administration démocrate pourrait mettre un terme provisoire à cette « crypto euphorie ». Si le département de la Justice décidait, avant la passation de pouvoir au camp républicain, d’inculper le géant Tether leader des cryptos stables (ou stablecoins), le marché pourrait connaître de violentes secousses.

Si sa candidature est adoubée par le Sénat, Howard Lutnick devra, pour éviter des conflits d’intérêts trop évidents, démissionner de Cantor. Il transmettra peut-être le flambeau à son fils Brandon qui connaît bien Tether pour avoir été stagiaire dans sa filiale suisse. Comme de nombreux membres du gouvernement Trump (Robert Kennedy, Elon Musk, J. D. Vance…), Howard Lutnick détient personnellement des bitcoins, un investissement qu’il devrait pouvoir conserver à son poste. Il n’a pas précisé quelle part de sa fortune totale (2 milliards de dollars) est investie sur la leader des cryptos. « Je suis un fan des cryptomonnaies, mais permettez-moi d’être très précis : le bitcoin, juste le bitcoin. Les autres ne ressemblent à rien », avait-il souligné à CNBC fin 2023.

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