Si en trois ans le transport aérien a largement redressé la tête depuis la pandémie, il pourrait aller encore bien mieux. C’est ce qui ressort des dernières prévisions de l’association du transport aérien international (IATA) dévoilées ce mardi à Genève.
Globalement, le secteur a retrouvé et même dépassé son niveau d’avant-Covid, avec plus de 4,89 milliards de passagers transportés en 2024, un chiffre d’affaires cumulé de 965 milliards de dollars et un bénéfice net de 31,5 milliards. Et sauf nouveau cataclysme mondial, le transport aérien s’achemine vers de nouveaux records, avec 5,2 milliards de passagers attendus en 2025 et un chiffre d’affaires qui devrait franchir pour la première fois, le cap symbolique des mille milliards de dollars.

Sentiment de frustration
Les compagnies d’Amérique du Nord continuent de générer la plus grosse part des profits, avec un bénéfice net prévu de 11,8 milliards de dollars en 2024, qui monterait à 13,8 milliards l’an prochain. Les compagnies européennes arrivent en deuxième position, avec 10 milliards de dollars de bénéfices cette année et 11,9 milliards prévus pour 2025, loin devant leurs concurrentes d’Asie-Pacifique (3,2 milliards de dollars en 2024) et du celles du Moyen-Orient (5,3 milliards de dollars). Ce sont néanmoins ces dernières qui tirent la croissance du trafic.
En dépit de ce redressement spectaculaire, après les 181,5 milliards de dollars de pertes cumulées de la période 2020-2022, le sentiment dominant parmi les compagnies aériennes reste la frustration. Le terme est revenu à plusieurs reprises dans la bouche du directeur général de l’IATA, Willie Walsh, ce mardi.

-30 %
La baisse des livraisons d’appareils Boeing et Airbus en 2024, par rapport aux prévisions.

« La plus grande frustration pour les compagnies aériennes est l’incapacité de Boeing, Airbus, GE, Rolls-Royce, Pratt & Whitney, à livrer les avions et les pièces détachées nécessaires, a-t-il souligné. C’est une situation inacceptable. Et rien n’indique que cela va s’améliorer en 2025. Cela semble parti pour durer plusieurs années. »
Selon les chiffres collectés par l’IATA, les livraisons de Boeing et d’Airbus en 2024 (1.254 avions) seraient inférieures de 30 % aux prévisions initiales et inférieures à celles de 2023 (1.377 avions). Plus d’une centaine d’avions manqueraient à l’appel. Et les prévisions de livraisons pour 2025 (1.802 avions) sont encore loin des attentes initiales (2.293 appareils).

Maintenances prolongées
A ces retards de livraisons s’ajoute une pénurie de pièces détachées, qui allonge les temps d’immobilisation des avions en maintenance. Mais aussi des problèmes de fiabilité sur un grand nombre de moteurs de nouvelle génération. Environ 700 avions seraient actuellement cloués au sol pour des problèmes de moteurs. « A quoi sert de promettre des moteurs plus performants si les avions doivent rester plus longtemps à l’atelier », déplore Willie Walsh.
La première conséquence de ce manque d’avions est le ralentissement de la croissance du trafic, qui devrait retomber à 6,7 % en 2025, contre 11,2 % en 2024. La deuxième conséquence est une augmentation des coûts, qui réduit la rentabilité. « Les compagnies doivent louer des avions au prix fort pour remplacer les avions non livrés ou bloqués à l’atelier, explique le directeur de l’IATA. Le prix des pièces détachées a également augmenté dans des proportions bien supérieures à l’inflation, ajoute-t-il. Tout cela pèse sur les coûts ».

Bonne surprise sur la facture de jet fuel
Fort heureusement pour le secteur, la hausse des coûts est compensée par la baisse du prix du carburant, passé de 91,2 à 72,5 dollars le baril au cours des neuf derniers mois de l’année. « En dessous de 80 dollars le baril, le prix du carburant est considéré comme favorable au transport aérien », indique l’économiste en chef de l’IATA, Marie Owens Thomsen. Et cette tendance favorable devrait se poursuivre en 2025.
A cela s’ajoute le retour en force du fret aérien, dont les volumes et les tarifs sont repartis à la hausse après le trou d’air de l’an dernier, grâce aux problèmes de sécurité du transport maritime dans le golfe Persique. Sur les 965 milliards de dollars de bénéfices cumulés, le cargo a représenté 149 milliards cette année.
En revanche, la forte hausse du prix des billets d’avion, qui avait marqué la période post-Covid et dopé les bénéfices en 2023, n’est plus qu’un lointain souvenir. En moyenne, le prix d’un billet d’avion a baissé de 1,8 % en 2024 et devrait encore reculer de 3,5 % en 2025. En y ajoutant les recettes annexes, qui représentent 137 milliards de dollars sur les quelque 705 milliards de recettes passagers, le prix moyen d’un billet d’avion s’établit à 380 dollars, pour un bénéfice moyen de 7 dollars par passager.

« En valeur ajustée de l’inflation, les tarifs aériens ont baissé de 44 % depuis 2014, ce qui a permis à un plus grand nombre de gens d’accéder à l’avion, souligne Marie Owens Thomsen. Mais la rentabilité moyenne du transport aérien reste insuffisante, au regard des investissements nécessaires. »

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