« Nous sommes très contents ». Alors que l’application de paiement instantané Wero, lancée par 16 grandes banques européennes et prestataires de services de paiement, a fait ses premiers pas en France il y a deux mois, les chiffres sont encourageants pour Martina Weimert, la directrice générale d’EPI (European Payments Initiative), le groupement chargé de lancer ce système européen de paiement. Entre l’Allemagne, la France et la Belgique, « Wero totalise déjà 17,1 millions d’utilisateurs, dont environ 80 % en France », déclare-t-elle aux « Echos » et au moins 8 millions de transactions, toutes géographies confondues.
Depuis bientôt deux semaines, les six grandes banques françaises sont maintenant équipées du portefeuille de paiement de compte à compte entre particuliers. Et d’autres établissements comme LCL, Bred, Fortuneo, Monabanq, BforBank ou encore Hello bank sont sur les rangs pour proposer Wero à leurs clients à partir de 2025.
Basculement de Paylib
La migration des clients de Paylib, l’ancêtre de Wero à l’échelle française, « se passe bien », estime Martina Weimert. « Certaines banques ont déjà enregistré de nouveaux utilisateurs de Wero qu’elles n’avaient pas en tant qu’utilisateurs de Paylib, mais cela reste variable en fonction des établissements et de la communication faite par chacun d’eux auprès de leurs clients. » En France, Wero bénéficie du basculement progressif de la base de 15 millions d’utilisateurs actifs de Paylib, la solution de paiement de compte à compte des banques françaises, qui va s’étaler jusqu’en mars prochain.
Au niveau européen, Wero a été lancé fin novembre par quatre banques en Belgique (Belfius, BNP Paribas Fortis, ING et KBC) et a été mis à disposition par quatre établissements en Allemagne (les Sparkassen et Volksbanken allemandes, Raiffeisenbanken et Postbank) depuis son lancement en juillet. Toutefois, outre-Rhin, le nombre d’utilisateurs reste moins important car les gros établissements comme Deutsche Bank et ING ne se lanceront que l’année prochaine. Wero arrivera également au Luxembourg et aux Pays-Bas en 2026.
Du côté des fonctionnalités, la première transaction en e-commerce sera testée en Allemagne d’ici à la fin de l’année. Une étape importante dans un pays où l’américain PayPal est très bien implanté et un test pour le déploiement dans d’autres pays. « Pour le « peer to peer », nous avions juste besoin des banques, explique Martina Weimert. Pour l’e-commerce, il faut réunir toute la chaîne de valeur pour s’assurer que tout fonctionne bien entre banques, accepteurs, acquéreurs et commerçants. »
Un défi d’une autre ampleur mais qui suscite un véritable engouement des commerçants. « L’envie des commerçants est grande, y compris en point de vente, ajoute la patronne d’EPI. Leurs associations nous soutiennent et nous en sommes ravis. » Un soutien accentué par les enjeux de souveraineté européenne dans les paiements face aux géants américains Visa et MasterCard, au moment où Donald Trump vient d’être élu aux Etats-Unis.
Concurrence de Bizum
Toutefois, la concurrence de Wero s’organise aussi en Europe. Ainsi, son équivalent espagnol, Bizum, fort de ses 27 millions d’utilisateurs en Espagne, s’est allié avec Bancomat Pay en Italie et MB Way au Portugal, pour former l’alliance EuroPA. Cette alliance a déjà testé le paiement entre l’Espagne et l’Italie. Elle a déjà appelé d’autres pays à la rejoindre.
Le projet ne semble pourtant pas inquiéter outre mesure Martina Weimert. « C’est une initiative qui ne concerne que les transactions peer-to-peer qui, par ailleurs, demeurent peu répandues du fait de l’absence de frontières communes entre les deux pays, par rapport à ce que nous pouvons observer dans d’autres parties d’Europe, estime-t-elle. Et l’enjeu porte beaucoup plus sur le commerce pour lequel il faut des standards, des règles particulières, y compris en cas de réclamation, ce qui est beaucoup plus compliqué et prendra du temps » Une simple interopérabilité entre systèmes pourrait en effet avoir ses limites.
« Pour l’instant, nous sommes focalisés sur nos cinq marchés pionniers, qui représentent déjà 64 % des paiements en Europe, ajoute-t-elle. Si nous réussissons dans ces pays, comme il y a beaucoup de touristes allemands, français, néerlandais et belges qui vont en Espagne ou en Italie, je pense qu’on trouvera du répondant sur ces marchés, auprès des restaurateurs et commerçants par exemple qui préféreront sans doute des transactions Wero aux paiements par carte bancaire qui leur coûtent cher. » Quant à l’avancée du projet d’euronumérique, EPI le surveille d’un oeil et se dit prêt à l’intégrer lorsqu’il arrivera.
En revanche, pour ce qui est du paiement sans contact, rendu possible par l’obligation européenne faite à Apple d’ouvrir sa puce NFC, le sujet n’est pas encore tranché. « Le paiement NFC n’est pas décidé à ce jour, il faudra d’abord avoir bien étudié ce que ça peut signifier pour nous et en discuter avec nos actionnaires », explique Martina Weimert.
En attendant, Wero suscite un certain enthousiasme des établissements bancaires puisqu’une vingtaine d’établissements français et belges ont déjà déposé un dossier pour rejoindre EPI.
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