« Tu sais quelle est la différence entre un fou et un génie ? Le succès. » Voici ce que répond Javier Milei lorsqu’on lui demande de faire le bilan de sa première année de présidence. L’homme à la tête de l’Argentine depuis un an a souvent été décrit comme déséquilibré. Les images de lui donnant un concert de rock, criant lors des meetings, enchaînant les grossièretés, agitant sa tronçonneuse devant ses soutiens, n’aidant pas. Mais Javier Milei président, c’est surtout une vraie méthode de gouvernement inédite en Argentine.
D’abord, une théorie économique aboutie. L’ancien professeur se réclame d’économistes issus de l’école autrichienne de Carl Menger et Friedrich Hayek. Mais il voue surtout un véritable culte à Murray Rothbard, économiste nord-américain, théoricien du libertarianisme et de l’anarcho-capitalisme. Depuis son arrivée à la tête de l’Argentine le 10 décembre 2023, Javier Milei applique à la lettre les préceptes de ses idoles.
Trois jours à peine après son investiture, le président argentin entame sa thérapie de choc et décide de dévaluer de moitié le peso afin d’éviter l’hyperinflation : de 400 pesos pour un dollar, la monnaie atteint 800 pesos pour un dollar. Une mesure qui fait subitement monter l’inflation – à 25 % en taux mensuel pour le mois de décembre – avant de la réduire petit à petit. Au mois d’octobre, celle-ci ne s’élève plus qu’à 2,7 %, son niveau le plus bas depuis novembre 2021.

L’Etat comme ennemi
Rapidement, le président argentin met ensuite en place sa « politique de la tronçonneuse », son outil symbolique pour couper dans les dépenses publiques. Licenciement de fonctionnaires, fermeture de l’agence de presse nationale, réduction du budget des universités, les dépenses de l’Etat baissent de 30 % pour atteindre 32 % du PIB national, un niveau qui n’avait pas été atteint depuis 2007. Dès le mois d’avril, le gouvernement argentin annonce avoir réussi à dégager un premier excédent budgétaire, un miracle dans une Argentine traditionnellement dépensière.
« Je considère l’Etat comme un ennemi », répète-t-il à l’envi. Javier Milei assume sa haine viscérale de l’Etat providence, une maxime qu’il applique strictement en privatisant de nombreux services publics. Grâce à la loi omnibus, son paquet de réformes approuvé en juin dernier au Parlement, le gouvernement Milei a lancé plusieurs opérations de privatisation, notamment des transports.
C’est le cas d’Aerolineas Argentinas, la compagnie aérienne étatique, qui avait été nationalisée en 2008 et qui est désormais ouverte à la concurrence privée. Dernièrement, le porte-parole du gouvernement a annoncé la privatisation de l’entreprise nationale des trains, qui contrôle 85 % des opérations de transport ferroviaire dans le pays. La semaine dernière, de nombreux blocages ont eu lieu à travers l’Argentine pour protester contre une mesure qui « réduirait considérablement l’efficacité du transport de passagers », selon les syndicats.

Rejet des critiques
Qu’importent les critiques, Javier Milei se vante des résultats positifs atteints en moins d’un an, notamment sur la tenue des comptes publics et sur la hausse des prix. En effet, sous son mandat, l’inflation a baissé en niveau annuel, de 211 % en 2023 à 118,8 % en 2024.
Javier Milei, alors candidat à la présidentielle, brandit une tronçonneuse lors d’un rassemblement électoral à La Plata, en Argentine, le 12 septembre 2023.Natacha Pisarenko/Ap/SIPA
Mais ses mesures d’austérité ont provoqué une forte récession, avec une augmentation drastique du nombre de pauvres. Aujourd’hui, près de la moitié de la population argentine vit en dessous du seuil de pauvreté. Mais Javier Milei rejette la responsabilité de ces résultats : « la hausse de la pauvreté s’explique par les mauvais choix des gouvernements antérieurs et par le poison du kirchnérisme [du nom des anciens présidents Nestor et Cristina Kirchner, symboles du parti péroniste, NDLR] », explique-t-il.

Diviser pour mieux régner
Car, au-delà de l’économie, Javier Milei divise par sa volonté de livrer une bataille culturelle contre ses ennemis jurés : les élites politiques et la gauche, qu’il insulte quasi quotidiennement sur les réseaux sociaux. Antisocial, climatosceptique, Javier Milei veut se positionner comme le leader de la droite conservatrice mondiale. Il était d’ailleurs l’un des premiers à féliciter le nouveau président élu des Etats-Unis, Donald Trump. Juste après l’élection du président nord-américain, le président argentin s’est rendu à Mar-a-Lago, en Floride, pour le sommet de la Conférence d’action politique conservatrice (CPAC).
Syndicalistes, féministes, fonctionnaires… Pour libérer l’Argentine du socialisme « néfaste », Javier Milei cherche à mettre hors d’état de nuire ceux qu’il nomme « les ennemis internes ». Une formule qui rappelle les heures sombres de la dictature argentine (1976-1983). Javier Milei est d’ailleurs le premier président à ne pas s’aligner sur le récit officiel concernant les crimes de la junte militaire. Selon lui, les forces armées ont été victimes de « discrédit » et le nombre de disparus enlevés durant la dictature n’est pas de 30.000 personnes mais « seulement de 8.700 ». Le président argentin a d’ailleurs annoncé le démantèlement de la Conadi, organisme de recherche des disparus de la dictature créé en 1992 à l’initiative des Mères de la place de Mai.

Si ses prises de position radicales choquent une partie de la population, elles ne semblent pas affecter outre mesure sa réputation dans l’opinion publique. Avec 56 % d’avis positifs en novembre 2024, Javier Milei conserve un niveau élevé d’approbation chez les Argentins. Un chiffre qui promet d’augmenter si la situation économique finit par s’améliorer.

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