Premier jour du reste de sa vie pour Canal+. Le groupe démarre ce lundi sa cotation en solo à Londres, loin de l’ex-maison mère Vivendi qui s’est divisée en quatre entités. Désormais en direct face aux investisseurs, l’entreprise devra convaincre sur sa capacité d’expansion, tout en rassurant sur le marché français où Canal+ tire encore 60 % de ses revenus, mais où elle n’est pas encore à l’équilibre. Tour d’horizon de ses défis.

1. Recruter plus d’abonnés
La croissance du groupe pour 2024 sera stable par rapport à 2023, mais, dès 2025, une légère décroissance devrait se faire sentir, avec la fin de la chaîne C8 et la perte du contrat de distribution avec Disney. « Des changements pas forcément mauvais pour le compte de résultat », fait remarquer Jean-Michel Salvador, analyste chez Alphavalue, qui précise que l’enjeu de 2026 sera de retrouver la croissance. « Aujourd’hui, les investisseurs sont un peu circonspects, ils ne savent pas si elle sera vraiment là. »
Canal+ doit donc recruter davantage d’abonnés. Une piste serait de renforcer sa stratégie de porte d’entrée de la télévision, souffle François Godard, analyste chez Enders, « en élargissant par exemple son offre TV+ à 2 euros, en y intégrant TF1 + ou M6 +. » En somme, amplifier son modèle de super-agrégateur de contenus, comme il le fait avec Netflix, Max ou BeIN Sports pour les offres premium.
Le problème avec le développement de ce modèle est la baisse observée ces dernières années du revenu moyen par client pour Canal+… au profit de la rémunération de ses partenaires. Enders estime à 60 % la part de l’abonnement donnée aux streamers. C’est donc ce modèle de super-agrégateurs qui sera mis sur le gril des investisseurs.

2. Améliorer sa marge
Les investisseurs regarderont si la hausse du nombre d’abonnés va de pair avec une augmentation du résultat et une amélioration de la marge. Après une légère progression ces dernières années, cette dernière est passée de 7,8 % au premier semestre 2023 à 7,4 % sur la même période de 2024… Loin des 8 % de 2015, année d’arrivée de Maxime Saada à la tête de l’entreprise. Un niveau jamais retrouvé.

LES CHIFFRES CLÉS
+234 %
La hausse du nombre d’abonnés entre 2015 et 2023.
+10 %
Celle du chiffre d’affaires sur la même période.

L’enjeu sera de savoir comment la direction entend compresser le coût des contenus. Car la tendance est à la hausse. Ils représentaient 58,5 % des ventes en 2021, puis 60 % en 2023. Et s’ils suivent la tendance amorcée au cours de ce premier semestre, ils pourraient atteindre 63 % des ventes en 2024, selon une note d’AlphaValue.
Une stratégie d’agrégations qui coûte visiblement cher à Canal, et qui pourrait au détour d’une renégociation mettre le groupe dans une situation de dépendance. Un acteur incontournable de son offre agrégée, Netflix par exemple, pourrait renégocier à la hausse les conditions, taillant un peu plus dans la marge de Canal+. « L’affaire Disney montre qu’il n’est pas évident de gérer les coûts avec les tiers », ajoute Jean-Michel Salvador.

3. Intégrer MultiChoice
2,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 15 millions d’abonnés, MultiChoice est le plus gros opérateur de télévision du continent africain et l’intégrer sera pour Canal+ l’un des défis majeurs de 2025. D’autant que MultiChoice sort d’années difficiles, avec 1,8 million d’abonnés perdus sur les douze derniers mois.
Mais les prochaines années du géant africain devraient être meilleures, anticipe François Godard. Ainsi, si Canal+ réussit son rachat en avril prochain (il en détient aujourd’hui 45 %), le groupe français dominera le marché africain francophone mais aussi anglophone et lusophone, où MultiChoice est implanté. Il pourrait y avoir des synergies sur les droits du foot, peut-être les programmes, et surtout la technologie.
Tout cela à condition que Canal+ parvienne à racheter la totalité des actions. Les négociations sont en cours avec les autorités sud-africaines. « Surtout, pour la direction, l’enjeu sera d’avoir des partenaires sud-africains qui investissent dans la maison mère à Londres. S’ils restent au niveau des entités locales, les dividendes pourraient rester dans MultiChoice et ne pas remonter jusqu’à Canal+. La Bourse ne valorisera alors pas le cours de Canal+ autant qu’espéré », estime Jean-Michel Salvador d’AlphaValue.

Canal+ va plus loin avec Apple
Apple TV + était déjà disponible à l’abonnement sur MyCanal. Le 12 décembre, Canal+ a annoncé que ses abonnés bénéficient désormais de 30 % de réduction sur l’abonnement Apple Music.

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