Le « Département de l’efficacité gouvernementale » (Doge) est encore un mystère. Cet ovni en marge du futur gouvernement américain n’a pas encore de forme juridique, pas de budget, et pas de mandat jusqu’à l’intronisation du nouveau président, le 20 janvier.
Mais l’initiateur et le patron du Doge, Elon Musk, a déjà commencé les grandes manoeuvres pour réduire les dépenses et la bureaucratie fédérale à partir de l’année prochaine, comme l’illustre son activisme sur le vote budgétaire de fin d’année.
L’homme le plus riche du monde codirigera la nouvelle entité avec l’entrepreneur des biotechs Vivek Ramaswamy. Son objectif : couper 2.000 milliards de dollars de dépenses fédérales. Il n’a pas précisé s’il visait un montant annuel en 2035 (les programmes budgétaires sont souvent annoncés sur dix ans aux Etats-Unis), à l’été 2026 (date de dissolution programmée du Doge), ou un cumul d’économies sur quatre ans de mandat Trump.
Dans une tribune au « Wall Street Journal » , les deux hommes ont expliqué qu’ils voulaient avant tout réduire la taille de l’administration fédérale, car ils jugent « antidémocratique » que des fonctionnaires non-élus fixent les règles.
En tout cas, le Doge a commencé à monter son équipe de fantassins « révolutionnaires », à fort QI et « prêts à travailler plus de 80 heures par semaine », selon le voeu d’Elon Musk.
L’entrepreneur en série a demandé à Steve Davis, un lieutenant de son groupe tunnelier The Boring Company, de mener les recrutements, avec Michael Kratsios, l’ex-directeur technologique de la première administration Trump. Ils auraient déjà recruté dix personnes et ils cherchent des ingénieurs logiciels avec une expérience dans l’intelligence artificielle, selon Bloomberg .

Elon Musk ouvre son carnet d’adresses
Ingénieur en aéronautique, Steve Davis a débuté dans une autre entreprise d’Elon Musk, SpaceX, en 2003. Il a officié à Washington, avec la réputation de travailler seize heures par jour. En 2016, il a été nommé patron de la start-up Boring Co.
En parallèle, en 2022, le milliardaire l’a appelé à la rescousse pour faire le ménage chez Twitter, devenu X. Steve Davis y a pris ses quartiers. La prise de contrôle s’est soldée par le licenciement de 80 % des effectifs. L’employé dévoué a ensuite participé à la campagne électorale de Donald Trump au sein du comité d’action politique (super PAC) d’Elon Musk.
Par ailleurs, Elon Musk a ouvert son carnet d’adresses dans le monde de la tech pour monter le Doge. Le fameux capital-risqueur Marc Andreessen a accepté d’aider à identifier les candidats et à faire passer les entretiens d’embauche. Le cofondateur de Palantir Joe Lonsdale, le gérant de hedge fund Bill Ackman, l’ex-patron d’Uber Travis Kalanick, l’ex-dirigeant de Tesla Antonio Gracias ont été consultés, a révélé le « Washington Post » .
Pour l’instant, l’embryon de Doge est hébergé dans les locaux de SpaceX à Washington. Elon Musk et Vivek Ramaswamy réfléchissent à un statut juridique et aux sources de financement appropriées, sachant que l’argent n’est vraiment pas un problème pour celui qui a dépensé 240 millions de dollars dans le super PAC.

Si le Doge est une association caritative, il faudra recueillir des donations diversifiées et rendre des comptes. Avec un comité consultatif fédéral, le financement par l’impôt oblige à respecter des règles de transparence.

Licenciements massifs d’employés fédéraux
En tout cas, l’opération « réduire la taille du gouvernement fédéral » a déjà commencé. Elon Musk ne s’est pas contenté de saborder le budget initial présenté par le speaker républicain Mike Johnson. Il a fait chanter les élus réfractaires en les menaçant de leur faire perdre leur prochaine élection et plaidé pour un « shutdown » plutôt que de voter les dépenses voulues par les démocrates. Son comparse et lui ont monté une boucle de discussion sur leur smartphone avec Mike Johnson.
Avant cet épisode, le duo Musk-Ramaswamy a fait une entrée triomphale au Capitole le 5 décembre, pour rencontrer les élus républicains du nouveau « caucus Doge ». Un démocrate, Jared Moskowitz, a adhéré au caucus.
D’autres progressistes ont exprimé leur intérêt, voire fait des propositions : déménager toutes les agences fédérales hors de Washington DC pour susciter des démissions ; préremplir les déclarations d’impôts ; supprimer les subventions aux énergies fossiles ; moderniser les systèmes d’information de l’administration…
De leur côté, les patrons du Doge veulent capitaliser sur une décision importante de la Cour suprême, cet été, pour licencier de nombreux employés fédéraux. En effet, « Loper Bright vs Raimondo » ouvre la voie à la contestation des réglementations édictées par les agences fédérales.

Le président Trump suspendra l’exécution de ces réglementations par décret, sans passer par la case Congrès, prévoient-ils dans le « Wall Street Journal », concluant qu’« une réduction drastique des réglementations fédérales fournit une justification industrielle saine à des réductions massives de personnel dans la bureaucratie fédérale ».

Lire l’article complet sur : www.lesechos.fr