Des kits d’arnaque à l’assurance à partir d’une dizaine d’euros : cela ne se passe pas sur le dark web, mais sur Snapchat, Telegram ou WhatsApp. Ces dernières années, les réseaux sociaux sont devenus le terrain de chasse favori des escrocs. On s’y procure des tutoriels pour monter de toutes pièces une fraude à la réparation de pare-brise, ou de fausses factures de soins dentaires et auditifs en vue d’obtenir des remboursements indus. En 2023, les montants fraudés identifiés par l’Agence de lutte contre la fraude à l’assurance (ALFA) ont augmenté de 18,4 %, pour atteindre 695 millions d’euros.
S’il est difficile de déterminer quelle part est liée à ces activités en ligne, l’ALFA constatait dans son rapport annuel une « nette tendance » à l’utilisation des réseaux sociaux pour l’échange de documents frauduleux sur le segment Incendies, accidents et risques divers (IARD). Le phénomène implique des particuliers comme des professionnels. « Ça a explosé avec le Covid. Lorsque tout le monde s’est retrouvé chez soi, les fraudeurs se sont adaptés. On ne peut pas cerner précisément l’ampleur, car les escrocs changent de plateformes : ils peuvent appâter sur Facebook marketplace, puis passer sur Snapchat, c’est ainsi plus compliqué à tracer », explique Maxence Bizien, directeur général de l’ALFA.
Réseaux organisés
L’association, qui compte plus de 340 adhérents, a mis à leur disposition des modèles de courriers types pour les aider à réclamer la fermeture des comptes d’escrocs sévissant sur ces sites. Mais la coopération avec les géants du web est loin d’être évidente. « Ces plateformes sont souvent à l’étranger. Quand on voit que Telegram ne répond pas aux demandes d’information des autorités françaises, vous vous doutez qu’ils ne coopèrent pas plus avec le secteur privé », poursuit Maxence Bizien.
Ces espaces virtuels ne favorisent pas uniquement la mise en circulation de documents frauduleux : ils facilitent aussi la coordination des faussaires, qui tendent à se professionnaliser et à agir sous forme de réseaux finement organisés. Ils peuvent, du reste, encourager le passage à l’acte chez des personnes qui n’auraient pas eu spontanément l’idée de frauder. Maxence Bizien évoque notamment le cas de jeunes internautes approchés par des professionnels de l’arnaque pleins de promesses d’argent facile, qui réclament dans la majorité des cas leur part du gâteau. « Toute la journée les utilisateurs peuvent y être confrontés. Il faut faire de la prévention sur TikTok, Snapchat, Telegram, là où ça se passe, là où sont les fraudeurs », plaide-t-il.
« L’usage des réseaux sociaux est présent dans moins de 10 % des fraudes avérées que nous détectons, mais il est en forte croissance. Il y a encore quelques années, ces pratiques n’existaient pas », note Marc de Beaucorps, PDG de Finovox, éditeur de solutions de lutte contre la fraude documentaire. Alors que le numérique s’impose comme un vecteur de fraude, il la rend aussi plus difficile à déceler. Les escrocs intègrent progressivement l’intelligence artificielle (IA) générative à leur arsenal, qui leur permet notamment de générer des documents très crédibles. « Les méthodes sont tellement variées, les fraudeurs évoluent constamment, donc on est forcément en retard par définition. C’est la lance et le bouclier », formule Marc de Beaucorps.
Combattre à armes égales
Les assureurs sont dès lors incités à se doter de techniques de détection toujours plus sophistiquées s’ils veulent combattre à armes égales. « Nous intégrons l’IA à travers des algorithmes qui permettent de détecter des schémas anormaux. Ce sont des outils extrêmement puissants », soulignait Nicolas Gomart, directeur général de la Matmut, lors d’une conférence récemment organisée par la fédération France Assureurs.
Aucun dispositif n’est toutefois infaillible lorsqu’il s’agit de détecter une fraude documentaire, rappelle Maxence Bizien. « Sur un document 100 % digital, c’est assez facile de savoir s’il y a eu modification. Mais si vous le modifiez puis vous le scannez, cela devient indétectable ». Face à ce constat, la profession prône la numérisation d’un certain nombre de documents, comme les ordonnances ou les arrêts de travail, afin de les rendre entièrement traçables et infalsifiables.
Les faux vendus par des escrocs sur Snapchat, Telegram et consorts seraient ainsi rendus obsolètes. « Cela va monter massivement en charge chez les médecins », prédit Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l’Assurance maladie, qui supporte une partie du coût de la fraude en santé. « On investit à la source, pour fermer des points de fuite. »
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