Dans la galaxie des semi-conducteurs, Broadcom fait partie des meubles. L’entreprise née en 1961 appartient à la vieille garde des géants américains de la tech, partenaire de tous les grands du numérique, et fournisseur de puces en tout genre – smartphone, automobile, réseau – depuis plus d’un demi-siècle.
Mais ces derniers temps, la société menée par Hock Tan semble vivre une nouvelle jeunesse. L’ère de l’intelligence artificielle (IA) générative lui sied à merveille : elle vient de dépasser les 1.000 milliards de dollars de capitalisation boursière, et serait en train de vivre son « moment Nvidia ».
Les investisseurs ont ainsi propulsé par leur enthousiasme le titre de Broadcom vers des sommets vendredi 13 décembre (+24 % en une séance) suite aux prévisions mirifiques du patron pour le premier trimestre de son exercice fiscal 2025. Hock Tan, aux manettes depuis 2005, a annoncé s’attendre à des ventes en hausse de 65 % sur les produits d’intelligence artificielle, puces et logiciels confondus. Bien plus que la croissance moyenne du secteur des semi-conducteurs, quant à elle autour de 10 %. Selon le dirigeant sino-américain, le marché des équipements pour les data centers, l’une des spécialités de l’entreprise, devrait atteindre 90 milliards de dollars d’ici à 2027.

Croissance insolente
Depuis le début de l’année, l’entreprise enchante les marchés, avec une hausse de plus de 100 % de sa valeur en Bourse. Une performance qui ne peut échapper à la comparaison avec celle de Nvidia, le leader mondial des puces graphiques (GPU, devenues indispensables pour entraîner et utiliser les modèles d’IA), qui a atteint une valorisation de plus de 3.000 milliards de dollars au début de l’été.
Broadcom, comme Nvidia, s’est clairement positionné dans la course à l’IA. La société avait parié sur 10 milliards de chiffre d’affaires lié à l’engouement pour cette technologie en 2024. Elle a finalement enregistré 12,2 milliards de revenus sur ce front. Des résultats qui expliquent l’appétit des marchés dans un moment où encore peu d’acteurs peuvent se targuer de récolter les fruits comptables de leurs investissements dans l’IA.

Si l’événement fait en effet penser à l’irrésistible ascension de Nvidia, qui a multiplié par trois sa capitalisation entre mai 2023 et juin 2024, les modèles des deux entreprises sont tout à fait différents. Broadcom est le fruit du rachat en 2015 de l’entreprise éponyme, spécialisée dans les équipements de data centers, par Avago, producteur de puces pour les télécommunications (qui permettent par exemple de capter la 4G ou la 5G).

Cette transaction à quelque 37 milliards de dollars, l’une des plus importantes unions de l’histoire de la tech, a donné naissance à ce géant des semi-conducteurs. Le groupe s’est peu à peu orienté vers le domaine du logiciel grâce à de multiples rachats. L’un des derniers en date, celui de VMware bouclé l’année dernière, avait fait couler beaucoup d’encre, les prix ayant explosé pour les clients de l’opérateur de logiciels.

Soif infinie
Si Broadcom est aujourd’hui un mastodonte sur le front des puces, il aurait pu être encore plus imposant si l’administration Trump n’avait pas bloqué en 2018 son union avec un autre géant du secteur, Qualcomm. A l’époque, les autorités avaient avancé un argument de sécurité nationale pour bloquer l’opération, malgré le fait que les deux acteurs soient désormais considérés comme américains après le transfert du siège de Broadcom de Singapour aux Etats-Unis.

« Hock Tan a eu une stratégie très agressive d’acquisitions pour construire son empire, pour lequel il s’est endetté à coups de milliards. Le modèle est très différent de celui de Nvidia, une entreprise plus récente, qui s’est faite toute seule, sans acquisition majeure », explique Jacques-Aurélien Marcireau, coresponsable de la gestion actions chez Edmond de Rothschild AM.

Broadcom ne semble pas aspirer à concurrencer Nvidia au sujet des GPU, le monopole étant déjà trop installé et la technologie trop perfectionnée. En revanche, l’empire de Hock Tan a une carte à jouer dans le développement des puces pour d’autres usages complémentaires aux côtés des géants de la tech. Cela fait plusieurs années que la société travaille avec Google et Apple pour concevoir leurs propres puces, et elle serait en train de travailler avec OpenAI. 
Ce sont notamment ces grands partenariats qui galvanisent les investisseurs. Néanmoins, « Broadcom n’est pas irremplaçable, contrairement à Nvidia. Il veut s’imposer comme une alternative dans un secteur où il n’est pas facile d’exister », ajoute le spécialiste des semi-conducteurs. Toutefois, avec ces résultats, Broadcom prend l’avantage sur les autres grands du secteur. AMD a cédé près de 15 % à Wall Street cette année, tandis que le vétéran Intel traverse la plus grande crise de son histoire, dont il pourrait ne jamais se relever. Avec tant de milliards en poche, Hock Tan pourrait même tenter d’avaler ses rivaux à la peine.

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