Plus la fin de l’année approche, plus la pression augmente sur la Commission européenne et sa présidente, Ursula von der Leyen. Constructeurs automobiles et Etats membres réclament un assouplissement des règles de décarbonation de l’industrie automobile. L’an prochain, celles-ci impliquent une baisse de 15 % des émissions moyennes des voitures neuves vendues, ce qui passe principalement par la hausse des ventes de voitures électriques.
La marche est trop grande, martèlent depuis l’été la majorité des constructeurs. L’association européenne qui les représente, l’ACEA, a encore insisté, dimanche, par la voix de son président Luca de Meo, pointant du doigt un risque considérable pour le secteur. « L’industrie automobile risque de perdre jusqu’à 16 milliards d’euros de capacités d’investissement en payant des pénalités, en réduisant la production, en s’associant à des concurrents étrangers ou en vendant des véhicules électriques à perte », a-t-il détaillé. Il y a quelques jours, l’organisation tablait toutefois sur 15 milliards d’euros pour les seules pénalités.

Aménager les règles
Ce chiffrage est remis en cause par une ONG comme Transport & Environnement, qui doute de la volonté des constructeurs de verdir leurs ventes. Les voitures électriques dégagent moins de marge que celles à essence, avance-t-elle en substance. Les analystes financiers d’HSBC et d’UBS tablent pour leur part sur de potentielles pénalités de l’ordre de 5 à 8 milliards d’euros. Ce qui est déjà considérable.
L’ACEA dépeint un scénario du pire, mais les constructeurs pourraient avoir du mal à remplir leurs objectifs au vu des faibles performances des ventes de voitures électriques en 2024. Celles-ci représentent une part de marché de 13,4 % en Europe sur les onze premiers mois de l’année, d’après les statistiques d’immatriculation de l’ACEA. Pour réaliser une baisse de 15 % des émissions de CO2, cette part de marché doit dépasser les 20 % l’an prochain. A noter que BMW, qui s’estime prêt à affronter l’échéance de 2025, s’est élevé contre toute modification des règles.
La France et d’autres Etats membres, comme l’Allemagne, demandent également des modifications. Les ministres de l’Industrie, Marc Ferracci, et de la Transition écologique, Agnès Panier-Runacher, ainsi que leur cabinet ont poussé la position française ces dernières semaines.

Une coalition contre les amendes
Dans une note diffusée lors des derniers conseils environnement, compétitivité et transports, Paris estime « essentiel d’aborder les questions politiques liées aux pénalités pour 2025 » dans le cadre de la clause de revoyure de 2026 sur les normes CO2 dans l’auto. Le chancelier allemand Olaf Scholz a jugé le 19 décembre « qu’il est juste de ne pas imposer d’amendes ».
L’Italie, l’Autriche, la République tchèque, la Roumanie et la Slovaquie ont exprimé des idées similaires. Le puissant PPE, principal groupe politique au parlement européen, dont est issue Ursula van der Leyen, pèse également pour créer des « flexibilités » afin d’éviter aux constructeurs d’avoir à payer des amendes. Mais à ce stade, la Commission européenne campe sur ses positions.

« Comme le prévoit le règlement, la Commission réexaminera l’efficacité du règlement en 2026 », a indiqué le 18 décembre le commissaire du Climat, Wopke Hoekstra, dans une réponse écrite à une question parlementaire, repérée par l’agence Contexte. La Commission craint qu’en faisant disparaître le bâton, les constructeurs amenuisent leurs efforts pour abaisser leurs émissions.

« Dialogue stratégique »
La décision finale revient à la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, qui voit un à un ses chantiers de verdissement de l’économie européenne remis en cause à l’ouverture de son deuxième mandat.
Pour faire baisser la pression, la responsable de l’exécutif européen a annoncé le 19 décembre l’ouverture d’un « dialogue stratégique » avec le secteur de l’automobile. Sans fixer la date du rendez-vous. L’initiative pourrait déboucher sur des modifications du cadre réglementaire actuel, si le besoin s’en fait sentir, a précisé la présidence de la Commission.
Mais les constructeurs et les Etats membres mobilisés sont pressés. « Attendre le début du dialogue stratégique de la Commission ou la révision de la législation sur le CO2 en 2026 n’est pas une option, aussi bienvenue et nécessaire soit-elle », a insisté dimanche Luca de Meo.
Il réclame un geste avant… le 31 décembre. Une simple prise de parole politique au niveau de la Commission, faite avant la fin de l’année, éviterait aux constructeurs de devoir provisionner, à la clôture des comptes 2024, un risque de pénalité CO2 pour 2025, fait-on valoir aussi bien à Paris qu’à l’ACEA.

Un débat de comptables
Cela éviterait aux constructeurs de négocier l’achat des crédits carbone à un concurrent, grâce à une opération de « pooling ». « C’est l’assurance-vie des constructeurs en matière de CO2, explique un acteur financier très impliqué dans le secteur. Et comme tout le monde cherche à ‘pooler’, les prix montent très haut cette année. »

« Provisionner, c’est obérer la capacité d’investissement ; acheter des crédits carbone, c’est financer les concurrents extra-européens », fait-on valoir à Bercy. Certains analystes financiers restent toutefois circonspects sur le besoin de provisionner dès le 31 décembre 2024 des pénalités 2025. Le montant de celles-ci, rappelle l’Institut mobilité en transition (qui dépend de l’IDDRI), ne sera communiqué par la Commission qu’en janvier 2027.

Lire l’article complet sur : www.lesechos.fr