Après un dîner en grande pompe la veille au siège de l’Union africaine (UA), l’ex-Premier ministre kényan Raila Odinga s’est adressé à la presse le samedi 9 novembre dans une salle de réception du luxueux hôtel Radisson Blu d’Addis-Abeba. À 79 ans, celui qui a échoué à cinq élections présidentielles dans son pays a ainsi officiellement lancé sa campagne pour la présidence de la Commission de l’UA.
Le scrutin, qui se tiendra au moment du sommet de l’instance panafricaine en février, l’opposera à trois autres candidats : le Djiboutien Mahamoud Ali Youssouf, le Malgache Richard Randriamandrato et le Mauricien Anil Gayan. Ce sont Raila Odinga et Mahamoud Ali Youssouf qui apparaissent pour l’heure comme les favoris pour remplacer l’actuel président, le Tchadien Moussa Faki, qui ne peut plus se présenter après ses deux mandats de quatre ans. Ce dernier soulignait, lors du dernier sommet de l’instance, la principale faiblesse de cette alliance de 55 États. L’écrasante majorité des décisions – 93 % au cours des années 2021, 2022 et 2023 – n’est pas appliquée.
« La tradition consiste à adopter les décisions à l’unanimité, ce qui produit des textes très flous, très généraux, visant par exemple à “augmenter le commerce sur le continent” ou à “faire taire les armes à l’horizon 2030”, explique Ueli Staeger, spécialiste de l’UA à l’université d’Amsterdam. La réforme institutionnelle entamée en 2016 a, en outre, limité la capacité de la Commission, tandis que les États membres ne mettent pas les moyens nécessaires pour qu’elle fonctionne correctement grâce à un effectif de personnel », précise le chercheur.
« Le prochain président de la Commission doit réduire la dépendance de l’UA aux financements externes et encourager les pays membres à régler leur contribution afin que l’instance s’autofinance et serve, enfin, les intérêts de l’Afrique, et non plus du reste du monde », insiste de son côté Patricia Agupusi, professeure adjointe de sciences sociales au Worcester Polytechnic Institute.
Elle préconise aussi un engagement accru des populations afin qu’« elles exercent un contrôle sur les activités de l’UA ». Dans le cadre de la campagne pour la présidence de la Commission, des débats entre les candidats auront lieu. Mais ils s’adresseront vraisemblablement davantage aux chefs d’État qu’à leurs administrés. « La plupart des citoyens ne sont pas au courant de cette élection », regrette Patricia Agupusi.
« Promouvoir l’unité entre les pays africains »
Face aux journalistes, ce samedi en début d’après-midi, Raila Odinga a été interrogé sur les premières mesures qu’il mettrait en place s’il était élu… Ses réponses, à l’image des décisions prises par l’instance, se gardent bien d’aborder les détails pratiques. « La première solution est d’essayer de promouvoir l’unité entre les pays africains. L’unité est un concept préalable au développement. Nous voulons être certains que les pays africains parlent d’une voix, esquisse le candidat kényan. Nous voulons nous assurer que les groupements régionaux économiques dits CER soient correctement intégrés […] afin de permettre que les décisions de l’UA soient mises en œuvre à travers ces groupes », ajoute-t-il.
Son rival djiboutien, de 21 ans son cadet, compte globalement s’atteler aux mêmes chantiers de « la promotion de la paix et de la sécurité, l’accélération de l’intégration économique, le soutien à l’innovation et à l’entrepreneuriat, ainsi que la défense des droits de l’homme et de la démocratie ». L’équipe de ce ministre des Affaires étrangères, poste qu’il occupe depuis 2005, met en avant sa maîtrise des trois principales langues parlées à l’UA, l’anglais, le français et l’arabe. « C’est un facteur important qui pourrait permettre à Djibouti d’être soutenu par les pays francophones. Il a par ailleurs reçu l’aval de l’Organisation de la coopération islamique, dont 27 pays africains font partie », indique Babatunde Fagbayibo.
Ce professeur de droit international à l’université de Pretoria estime néanmoins que la carrière de Raila Odinga au sein de l’instance panafricaine pourrait jouer en sa faveur. À moins que le souvenir de ses deux échecs en son sein ne le desserve. En 2011, il avait perdu son rôle de médiateur en Côte d’Ivoire à cause de sa proximité avec le président tout juste élu, Alassane Ouattara.
L’an dernier, il a dû quitter son poste d’envoyé de la Commission de l’UA pour le développement des infrastructures en Afrique après avoir encouragé à des manifestations contre le gouvernement du Kenya. Toutefois, le président kényan, William Ruto, soutient la candidature de Raila Odinga à la tête de la Commission. Les visions des candidats malgache et mauricien diffèrent peu de celles de Raila Odinga et de Mahamoud Ali Youssouf.
Le premier, Richard Randriamandrato, actuel ministre des Affaires étrangères, souhaite privilégier l’intégration et la croissance économique, la paix, la sécurité et la stabilité régionale, l’autonomie financière et le développement durable et, enfin, la gouvernance démocratique et l’État de droit. Le second, l’avocat Anil Gayan, entend « créer une Afrique plus intégrée, plus prospère et plus pacifique, financièrement indépendante, opérationnellement efficace et guidée par une bonne gouvernance ».
Lire l’article complet sur : www.lepoint.fr
Leave A Comment