La fin de la vente des voitures et véhicules utilitaires thermiques est pour dans dix ans. Sommes-nous prêts ? La question ne se pose pas en ces termes. Car, d’une part, le changement climatique n’attend pas, et la neutralité carbone de l’Union européenne est une condition nécessaire pour maintenir le réchauffement en dessous de 2 °C. D’autre part, la Chine est déjà prête et souhaite devenir un des leaders de l’industrie automobile de demain, qui sera électrique. Au-delà de l’enjeu écologique, c’est l’avenir de notre industrie automobile européenne et de notre souveraineté qui est en jeu.

Se donner les moyens pour réussir
La question est donc plutôt : comment s’assurer d’être prêt pour 2035 ? Tout d’abord, en maintenant le calendrier réglementaire, qui est serré il est vrai, mais qui permet à la fois de donner une visibilité essentielle pour sécuriser les investissements colossaux requis et d’éviter l’attentisme général de tous les acteurs.

Il en va de même de la politique à l’égard des acheteurs : les aides à l’achat, le leasing social ou encore la prime à la casse sont essentiels pour maintenir la dynamique et permettre aux ménages modestes d’accéder à ce type de véhicule. En témoigne a contrario l’arrêt subit des aides à l’achat de l’Allemagne en décembre 2023 qui a fortement perturbé le marché de l’électrique, une voie que semble suivre la France avec une division par deux des aides dans le projet de loi de finances pour 2025 présenté par le gouvernement Barnier.

Les acteurs institutionnels peuvent également fournir un cadre équitable permettant l’émergence de constructeurs européens, comme le score carbone en France qui pénalise les voitures électriques à la fabrication très carbonée, ou la mise en place par l’Union européenne de taxes qui peuvent aller jusqu’à 35 % sur les véhicules électriques importés de Chine, qui bénéficient de subventions.

Toute hésitation dans les projets en Europe est une opportunité pour la concurrence chinoise
Pour les acteurs privés, il s’agit aussi d’élaborer une vision stratégique de moyen terme sur l’électromobilité, en donnant une continuité aux investissements déjà engagés et au développement de la production. En effet, si le retard industriel européen sur l’électromobilité peut encore être comblé, toute hésitation dans les projets est une opportunité pour la concurrence chinoise.

Par ailleurs, généraliser l’électrique nécessite des véhicules plus abordables. Alors que le coût des batteries a fortement diminué sur les dix dernières années, les constructeurs en profitent pour commercialiser des véhicules électriques premium (SUV…), plus chers et surtout plus rentables. Ces derniers représentent aujourd’hui 64 % des ventes (contre 28 % en 2020) 3. La commercialisation et la généralisation de modèles plus compacts, ainsi que l’utilisation de chimies de batterie moins onéreuses comme le LFP (lithium fer phosphate) sont primordiales pour accélérer le déploiement de l’électrique.

Afin d’atteindre l’objectif de 9 millions de bornes en 2030, l’Europe devra multiplier leur nombre par 10 en six ans
Enfin, pour pouvoir utiliser ces véhicules, les infrastructures de recharge doivent, elles aussi, se déployer rapidement. L’Europe compte désormais plus de 900 000 bornes, affichant une croissance moyenne annuelle de 55 % par an entre 2021 et 2024. Cependant, les Pays-Bas, l’Allemagne et la France concentrent plus de la moitié de toutes les bornes. Afin d’atteindre l’objectif de 9 millions de bornes en 2030, l’Europe devra donc multiplier leur nombre par 10 en six ans, avec une meilleure répartition sur l’ensemble du territoire.

Il est indéniable que l’électrification progresse moins que prévu en 2024 et pèse économiquement sur les acteurs. Mais maintenir une continuité dans les décisions réglementaires et industrielles est essentiel pour garantir que 2024 ne soit qu’un palier dans la courbe de pénétration des véhicules électriques en Europe. Autrement, alerter sur l’effondrement de l’industrie automobile deviendra malheureusement une prophétie autoréalisatrice.

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