Après plus d’une décennie sans secousse majeure, la terre de l’industrie publicitaire a tremblé de nouveau. Mi-décembre, les numéros trois et quatre du secteur, les Américains Omnicom et IPG, ont annoncé leur rapprochement qui devra encore passer l’étape de l’antitrust pour se concrétiser. Un séisme à la magnitude élevée sur l’échelle de la consolidation puisque cette opération va donner naissance au leader mondial du secteur en volume d’affaires, devant le poids lourd français du secteur Publicis et le britannique WPP.
Pourtant, la perspective de voir émerger un numéro un mondial américain n’a pas déclenché une danse de la joie du côté de Wall Street. Au contraire. Trois semaines après l’officialisation de cette mégafusion à près de 30 milliards de dollars (la capitalisation cumulée d’IPG et Omnicom au moment de l’annonce), leurs cours ont respectivement chuté de 8,5 % et 17 %. Soit une évaporation de près de 4,5 milliards de valorisation boursière.
Des leçons du précédent Omnicom-Publicis
Onze ans et demi après les fiançailles entre Publicis et Omnicom qui n’auront duré que dix mois avant de s’achever – faute d’entente sur un modèle économique ainsi que sur l’organigramme et l’équilibre des pouvoirs – , par une rupture fracassante, Wall Street garde-t-il un souvenir traumatique de ce mariage qui n’est pas allé jusqu’à l’autel ?
« Les fusions entre égaux ne marchent pas », avait tranché Sir Martin Sorrell, alors à la tête du numéro un mondial WPP, à l’annonce des noces entre Publicis en Omnicom en 2013. Rien de tel cette fois. A l’issue de l’opération, les actionnaires d’Omnicom contrôleront 60,6 % du nouvel ensemble.
Déjà aux manettes lors du rapprochement avec Publicis, le patron d’Omnicom, John Wren, deviendra président et PDG du nouveau groupe, tandis que son homologue chez IPG, Philippe Krakowski, sera coprésident. Evoquant « les leçons apprises il y a dix ans » lors des négociations avec Publicis, le dirigeant de 72 ans sait qu’il joue là son ultime grosse carte et n’entend pas réitérer les mêmes erreurs.
Des dynamiques antagonistes
Mais en dépit de ce montage, les marchés sont circonspects devant cette union de sociétés aux dynamiques antagonistes. Avec Publicis, Omnicom est le seul qui est parvenu à surnager ces derniers mois parmi les industriels du secteur. Sur l’année 2024, ce dernier vise une fourchette de croissance organique comprise entre 4 % et 5 %. A contrario, IPG a fortement décéléré, perdant de gros contrats d’annonceurs comme Lego, Amazon ou Pfizer. Ce qui va lester Omnicom à court et moyen terme.
Au-delà, Wall Street n’est pas plus enjoué par les raisons stratégiques profondes de cette fusion et s’attendait à une autre offensive d’Omnicom. Un rachat d’envergure certes. Mais pas d’une telle ampleur et plutôt dans la catégorie « tech » que dans la case « rival direct ».
Peu porté sur la croissance externe, le groupe avait jusqu’alors signé la transaction la plus ambitieuse de son histoire fin 2023, avec le rachat de Flywheel Digital pour 835 millions de dollars. Une opération qui lui a permis de se renforcer dans l’e-commerce. Depuis, l’industrie s’attendait à ce qu’Omnicom se renforce dans la data, à l’instar de Publicis, IPG et Dentsu, qui ont respectivement déboursé 4,4 milliards, 2,3 milliards et 1,5 milliard de dollars pour acquérir Epsilon (en 2019), Acxiom (2018) et Merkle (2016). Il n’en a rien été.
Une fusion un peu trop « Mad Men »
En clair, même si certains actifs d’IPG pourraient permettre à Omnicom de renforcer son arsenal numérique, Wall Street trouve la fusion IPG-Omnicom pas assez Silicon Valley et un peu trop « Mad Men » à son goût. « On n’est pas dans du 2 + 2 = 5 car ce n’est pas une opération transformante mais de pair à pair. C’est un deal à l’ancienne, qui est avant tout pensé et conçu pour réaliser des économies de coûts par des effets d’échelle », fait valoir un expert.
De fait, IPG et Omnicom se sont empressés de communiquer sur les 750 millions de dollars d’économies par an résultantes des synergies. Ce qui va se traduire par une chasse aux doublons et des départs en masse. En matière d’effectifs, l’attelage Omnicom-IPG devrait potentiellement drainer 133.300 salariés. Mais les deux groupes ont laissé entendre qu’ils ramèneraient le total des effectifs à un peu plus de 100.000 personnes…
Or, les analystes n’ont pas manqué de souligner les multiples « dis-synergies » dû à ce mégarapprochement. Les conflits entre clients (American Express et Wells Fargo, Mars et Ferrero, etc.) d’une part, mais aussi et surtout la fuite des talents et des annonceurs vers la concurrence.
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