La crise des cryptomonnaies a commencé en novembre dernier de manière classique, comme une correction naturelle après l’euphorie. Le bitcoin valait alors l’équivalent de plus d’ un kilo d’or contre un tiers aujourd’hui.
Il a connu, depuis sa naissance, des cycles d’envolées et de dépressions qui n’ont pas entamé sa marche en avant. Cet actif résistant aux bulles a contribué à sa notoriété et popularité. Ce n’est qu’à partir de janvier que les bulles du Nasdaq (valeurs technologiques américaines) et des cryptos se sont télescopées .
La corrélation des cryptomonnaies avec les valeurs technologiques, qui était négligeable jusqu’en 2020, s’est maintenue à un haut niveau par la suite. Le bitcoin est désormais rangé dans la case des actifs risqués.
Quand les marchés sont euphoriques, les investisseurs l’achètent avec les autres placements risqués. Ils les vendent conjointement dans les crises.
Les cryptomonnaies sont dans la sphère d’influence des marchés et des banques centrales pour le meilleur, en bénéficiant des liquidités abondantes , et pour le pire, en subissant le rationnement brutal du crédit. Elles ont été pénalisées par la violente remontée des taux et les durcissements monétaires de 2022.
Effet domino
Ce marché est trop faible et pas assez autonome pour résister à cette lame de fond des marchés. La capitalisation des cryptomonnaies représente moins de 3 % de celle des cent premières actions mondiales. Comme le krach des valeurs de la tech fait déjà chuter, avec un décalage, les valorisations des sociétés non cotées, le plongeon des cryptomonnaies va toucher les « cryptolicornes ».
Ainsi BlockFi, dont la valorisation avait atteint 4,8 milliards de dollars à l’été dernier, va être racheté avec une décote de 95 %. C’est le prix à payer de sa survie. FTX, la plateforme de Sam Bankman-Fried, est une fois de plus le sauveteur et prêteur en dernier ressort du secteur. Faute de banque centrale, la fourniture de capitaux d’urgence est à l’initiative de quelques acteurs privés qui en profitent pour accroître leur emprise.
Le marché devrait ainsi se concentrer de plus en plus. Les trois principales plateformes d’échange de cryptomonnaies (Binance, Coinbase et FTX) représentent déjà plus de la moitié des volumes au premier semestre.
La crise de 2022 a exposé les fragilités et vulnérabilités de son écosystème financier, bâti à la hâte, sans considérations des risques extrêmes et de contagion. Il a vécu sur une liquidité illusoire. Elle s’est totalement évaporée avec la remontée des taux et le plongeon des cours.
Les cryptomonnaies déposées et confiées à un intermédiaire, plateforme, prêteur, étaient censées être récupérables facilement, rapidement et sans risques. Malheureusement, comme les difficultés de Celsius l’ont montré, les cryptoactifs déposés par les clients, en échange de juteux rendements, ont alimenté une prise de risque encore plus forte. Quand le prix s’est effondré et avec lui ses garanties, tous les prêteurs ont recherché à récupérer leurs cryptos et leur argent.
Dans le monde réel, celui des banques, la transformation des dépôts en prêts, obéit à des règles strictes (solvabilité, étude des garanties de l’emprunteur) ; dans la cryptofinance de l’ombre, on préfère parler de démocratisation. « Les banques ne sont pas votre ami », avait déclaré en avril sur Twitter le dirigeant de Celsius, Alex Mashinsky. Dans ce monde, le tiers de confiance est le diable ; s’en passer est une question de philosophie autant d’efficacité.
Un monde très imbriqué
Dans cet écosystème très imbriqué (participations, contreparties sur les marchés…), une cinquantaine de fonds, courtiers, firmes de trading et plateformes concentrent l’essentiel des volumes et de la prise de risque. Il est bien plus interconnecté que la finance mondiale en 2008. Comme elle, il s’est lancé à corps perdu dans les produits dérivés. Beaucoup ont été lancés sur les cryptomonnaies mais pas encore à grande échelle de credit default swaps (CDS), des assurances contre le défaut d’une société, banques ou Etat.
Vendre des CDS sur des sociétés de cryptomonnaies revient à évaluer leur probabilité de faillite et lui assigner un montant. Aucune institution n’est en mesure de le faire et d’assumer un tel risque. L’afflux d’argent dans les fonds de capital investissement les a conduits à investir dans nombre d’entreprises aux perspectives de développement aléatoire et valorisations très optimistes.
La crise va encourager les régulateurs à durcir leur position notamment sur la question des stable coins.
L’opacité du secteur (dettes cachées, risques élevés, faibles garanties, contagion…) rappelle la finance de l’ombre mise en lumière lors de la crise de 2007-2008. La crise va encourager les régulateurs à durcir leur position notamment cette année aux Etats-Unis sur la question des stable coins.
Selon eux, le marché des cryptomonnaies n’a pas montré le moindre signe d’autorégulation vertueuse et de maturité malgré son institutionnalisation et changement de dimension. Il a refait toutes les erreurs et dérives de la finance avant la faillite de Lehman Brothers le 15 septembre 2008.
Une crise de confiance
Cette crise n’a épargné aucun de ses marchés (cryptomonnaies, NFT…). Aucun segment n’a pu jouer un rôle de diversification et protection. Toutes les cryptos évoluent dans le même sens et le marché obéit à un seul risque dominant. Même le segment censé être le plus sûr, celui des cryptomonnaies stables ou stable coins (dont la valeur doit être d’un dollar en toutes circonstances) a rencontré de fortes turbulences.
Ces actifs refuge ont connu une crise de confiance comme les fonds monétaires traditionnels en 2008, mais eux avaient été secourus par la Réserve fédérale (Fed) . Il n’y a aucune mansuétude à attendre de sa part en de telles circonstances. La Fed et les régulateurs estiment que trop de sociétés du secteur sont passées en force pour réaliser des activités réglementaires (prêts… ) sans en supporter le coût et les règles et contraintes.
L’instabilité des cryptos stables inquiète les Etats
Les plateformes n’ont pas meilleure image. Le régulateur américain, la Securities and Exchange Commission (SEC) vient une fois de plus de refuser d’autoriser le lancement d’un fonds coté en Bourse indexé sur la valeur au comptant du bitcoin. Il estime que ce cours peut être trop facilement manipulé .
La SEC a autorisé les fonds indexés sur le contrat à terme sur leur bitcoin car celui est traité sur le marché à terme de Chicago, un marché très ancien, régulé qui des règles strictes de surveillance et contrôle. En clair, la SEC n’a aucune confiance dans les prix pratiqués sur de nombreuses plateformes de cryptos quelles que soient leur taille et leurs déclarations de bonnes intentions.
Diversifiées sur de nombreuses activités, avec tous les conflits d’intérêts que cela entraîne, elles illustrent aussi la dérive de la finance 2.0 et ses risques pour les investisseurs.
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