Depuis quatorze jours que Twitter appartient à Elon Musk, le milliardaire a commencé par licencier le PDG du réseau social , son directeur financier, sa directrice des affaires juridiques et son avocat général. Puis il a licencié environ la moitié des salariés de l’entreprise, 3.700 personnes à peu près, avant de se rendre compte qu’il avait besoin de leurs compétences et de chercher à en réembaucher certains.
Ce jeudi, plusieurs personnes qui occupaient des fonctions clés au sein de l’entreprise ont démissionné. C’est le cas de Lea Kissner, qui occupait les fonctions de chef de la sécurité des systèmes d’information, de Damien Kieran, le responsable de la confidentialité des données, ainsi que de la responsable de la conformité, Marianne Fogarty. « Je ne regarde pas Game of Thrones. Je n’ai certainement pas envie de le jouer au bureau, » a twitté cette dernière.
Même les cadres haut placés qui semblaient les plus alignés avec la vision d’Elon Musk sont partis. Yoel Roth, qui dirigeait l’équipe « confiance et sécurité » de Twitter, a démissionné ce jeudi. La directrice des ventes Robin Wheeler est partie elle aussi. La veille, les deux dirigeants avaient pourtant animé un atelier public pour rassurer les annonceurs aux côtés d’Elon Musk.

Problèmes techniques
Privée de ses ingénieurs, la machine Twitter a déjà commencé à se détraquer. Plusieurs utilisateurs ont remarqué que les choses ne fonctionnaient pas exactement comme elles le devraient. Les réponses à un fil de messages ne s’affichent parfois pas correctement, par exemple. Ou bien le nombre de comptes abonnés, qui s’affichent sous le profil d’un utilisateur, ne correspond pas à la réalité.
« Pour l’instant, il ne s’agit que de petites choses, mais elles s’accumulent et nuisent à l’impression de stabilité, » commente un ingénieur de Twitter au MIT Review . Il note par exemple que les notifications, qui signalent notamment à un utilisateur lorsque son nom est mentionné dans un tweet, sont « parfois un peu à côté de la plaque ».
Elon Musk aurait par ailleurs demandé aux équipes de Twitter d’économiser un milliard par an sur les frais d’infrastructure de l’entreprise, selon Reuters. Au risque de voir le site, débordé par l’afflux d’utilisateurs lors d’un événement majeur tel qu’une crise politique, cesser de fonctionner.

Des vrais faux comptes
Une autre décision surprenante d’Elon Musk sème également la pagaille sur le réseau social. Le milliardaire a voulu donné aux utilisateurs la possibilité de payer 8 dollars par mois pour obtenir le badge bleu qui distingue les comptes certifiés comme appartenant à des journalistes, des politiques ou des célébrités.
Des farceurs s’en sont immédiatement servis pour créer des comptes attribués au pape, à Joe Biden ou à Jésus. « Tuer des Irakiens me manque », soupirent deux comptes attribués à George W. Bush et à Tony Blair, avant d’être suspendus. Face à la cacophonie, le réseau social a suspendu cette option ce week-end, «pour résoudre les problèmes d’usurpation», selon un mémo interne consulté par des médias américains.

Elon Musk tergiverse
Avec le système qui a été testé par Twitter pendant quelques jours, ce n’est qu’en cliquant sur la coche bleue que les utilisateurs pouvaient savoir s’il s’agit d’un vrai compte certifié, ou si la personne a payé pour être authentifiée. Twitter a commencé à ajouter un deuxième badge, gris celui-là, pour distinguer les comptes officiels, avant qu’Elon Musk ne change d’avis. « Je l’ai tué, » a-t-il dit sur Twitter en réponse à un YouTubeur qui commentait la nouvelle.
Un peu plus tard, l’une des rares dirigeantes de Twitter qui n’a pas été virée par Elon Musk et qui n’est pas encore partie, Esther Crawford, a déclaré qu’il y aurait bien un badge gris, mais qu’il serait réservé, dans un premier temps, aux entités gouvernementales et aux entreprises. Il n’est pour l’instant déployé que pour les utilisateurs d’iPhone, aux Etats-Unis et dans quelques autres pays anglophones.

Cacophonie
Plus embêtant encore pour Twitter, les faux comptes de marques ont proliféré. Un tweet apparemment affilié à Eli Lilly, un groupe pharmaceutique américain, a annoncé, par exemple, que l’insuline est désormais gratuite. L’entreprise était au centre d’une controverse il y a quelques années à cause du prix élevé de ce médicament, vital pour les diabétiques.
Le tweet a été partagé plus de 1.500 fois et liké 10.000 fois, avant d’être supprimé au bout de plusieurs heures. Ce qui a forcé la marque à démentir l’information sur son propre compte. L’action Eli Lilly a décroché de 5 % en un jour et perdu plusieurs milliards de dollars de valeur.
La multiplication des faux comptes risque d’accélérer l’exode des publicitaires, qui assurent 90 % des revenus de Twitter. « Pour les annonceurs, le souci le plus immédiat est la prolifération de contenus haineux et l’usurpation d’identité, » explique Jasmine Enberg, analyste chez eMarketers. « Mais d’une façon plus générale, le problème pour les annonceurs est l’instabilité de l’entreprise. Ils vont hésiter à revenir sur la plateforme parce qu’ils ne savent pas à quoi va ressembler Twitter à l’avenir. »

« La banqueroute n’est pas exclue »
Elon Musk a lui-même reconnu que les prochains mois risquent d’être douloureux pour l’entreprise. Dans un mail envoyé à tous les salariés, le patron de Tesla et de SpaceX a décrit la situation économique du réseau social comme « désastreuse ». « La banqueroute n’est pas exclue, » a déclaré le milliardaire lors d’une réunion avec tous les employés. Il cite des « flux de trésorerie négatifs de plusieurs milliards de dollars. »

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