La « plateformisation » des chaînes de télévision est en marche depuis plusieurs années. Mais il va désormais falloir inventer un autre néologisme pour désigner la manière dont les plateformes, dans un mouvement inverse, reprennent les méthodes et les formats fétiches des canaux du petit écran.
Les signaux s’accumulent. Le plus manifeste est l’irruption d’offres avec publicité chez Netflix depuis novembre, puis Disney+ depuis décembre aux Etats-Unis, bouleversant le modèle de ces plateformes SVOD (Subscription Video On Demand), où l’abonnement garantissait jusqu’alors l’absence d’interruption commerciale.
Les dernières frontières s’effacent
Ce genre de formule est appelée à se répandre. Dans une récente étude, le cabinet Deloitte Global estime que d’ici à 2030, « la plupart des abonnements aux services de vidéo en ligne seront partiellement ou entièrement financés par la publicité ». Concurrençant les chaînes sur ce marché, elles devront se plier aux mêmes règles qu’elles en matière de mesure d’audience. Médiamétrie a récemment confirmé son intention de calculer celle des plateformes d’ici à deux ans.
Une fois la coupure publicitaire passée, les programmes proposés sur Netflix, Amazon Prime Vidéo et consorts se rapprochent aussi de plus en plus de ceux des chaînes de télévision. Des formats des années 1980 y trouvent une nouvelle jeunesse, comme en témoigne l’arrivée fin décembre sur Netflix d’un programme de coaching sportif, dans la lignée de « Gym Tonic », l’émission culte de Véronique et Davina diffusée sur Antenne 2 dès 1982. D’autres émissions de divertissement ont envahi depuis quelques années les plateformes, qu’il s’agisse de téléréalité, de jeux, de cuisine, d’immobilier ou de décoration.
Le direct a longtemps fait figure de dernière frontière. Mais celle-ci est de moins en moins étanche. Le 26 février, Netflix diffusera ainsi en temps réel une cérémonie hollywoodienne, les SAG Awards, qui fait figure de répétition des Oscar. A l’automne, Amazon Prime Video a retransmis en direct pour ses abonnés le concert à Paris du chanteur Kendrick Lamar.
Pluie de milliards sur le sport
C’est surtout dans le sport que les plateformes concurrencent durement les chaînes traditionnelles. Netflix est l’un des seuls acteurs à ne pas avoir encore franchi le cap. En 2021, Amazon a chipé à Canal+ la majorité des droits de la Ligue 1 de football, pour 250 millions d’euros par an sur trois saisons. Il pourrait tenter de les conserver lors du prochain appel de l’offre de la LFP prévu cette année.
Le géant de Seattle a aussi récupéré en 2019 une partie de ceux de Roland-Garros, pour les éditions 2021 à 2023. Un tournoi traditionnellement diffusé par France Télévisions. Amazon s’est en outre arrogé en 2021 ceux des matchs du jeudi soir de la NFL pour dix ans, à raison d’un milliard de dollars par an. Mi-2022, Apple a, quant à lui, déboursé un montant estimé à 2,5 milliards de dollars pour les droits sur dix ans de la MLS, le championnat américain de football (ou soccer), que la firme va commencer à diffuser à la fin du mois.
L’année passée a enfin été marquée par une autre transaction de grande ampleur, avec l’acquisition par Viacom18 – une joint-venture entre Paramount Global, le conglomérat indien Reliance Industries, et Bodhi Tree Systems -, des droits digitaux de la ligue indienne de cricket, pour 3 milliards de dollars. La frénésie d’achat devrait se poursuivre. Selon l’étude de Deloitte Global, en 2023, « les streamers dépenseront plus de 6 milliards de dollars en droits sportifs exclusifs majeurs sur les plus grands marchés mondiaux ».
Plateformisation des chaînes
Ce qui faisait la singularité des plateformes SVOD semble donc en train de s’estomper, alors que les chaînes, comme TF1, M6, France Télévisions, côté gratuit, ou Canal+, côté payant, investissent dans les séries et se « plateformisent » à tout va. Le replay prend une part de plus en plus importante dans leur consommation, les poussant parfois à diffuser certains épisodes de série en « preview », avant le direct.
Même si Salto, la plateforme de SVOD commune à France Télévisions, TF1 et M6, a fait long feu, les deux chaînes ont lancé, respectivement à l’automne 2021 et à l’automne 2022, leurs propres plateformes de replay sans publicité sur abonnement (SVOD), MyTF1Max et 6PlayMax, à l’image d’ITVX, le service équivalent de streaming d’ITV, en Angleterre.
Recherche de nouvelles recettes
La consommation à la demande semble en effet appelée à devenir la règle. En France, elle représentait 50 % de la consommation vidéo totale, y compris les réseaux sociaux, des 18-64 ans au troisième trimestre 2022, contre 34 % quatre ans plus tôt, d’après un sondage Ampere Analysis cité dans le dernier « observatoire de la vidéo à la demande » du CNC. Cette proportion atteint 82 % aux Etats-Unis sur la même tranche d’âge, et déjà 81 % chez les Français de 18-24 ans.
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