Un cortège de voitures aux vitres teintées, petits drapeaux chinois sur le capot, fonce dans les rues de Hoima. Cette grosse bourgade de l’ouest de l’Ouganda est la porte d’entrée vers les parcs nationaux du nord-ouest du pays. La dernière grande étape avant de découvrir la savane, ses éléphants, girafes et impalas… La ville, dont la population a déjà doublé ces vingt dernières années, pourrait bientôt devenir le poumon économique du pays. Son aéroport va entrer en service prochainement. Mais en attendant, les officiels qui se rendent en cette fin janvier à l’inauguration du premier forage de pétrole de l’histoire du pays ont dû passer six heures sur des routes cahoteuses. Quand ils n’ont pas été stoppés net pour attendre et laisser passer la voiture de l’omniprésent président Yoweri Museveni, en poste depuis 1986…
Anticolonialiste marxisant quand il était étudiant, guérillero opposé à Amin Dada puis à Milton Obote, qu’il renverse avec son mouvement armé, Yoweri Museveni est depuis l’un des meilleurs alliés des Etats-Unis dans la région. Mais ce sont bien les Chinois de CNOOC qui forent les premiers et l’accueillent sur le site de Kingfisher, sous une chaleur écrasante, lors de cette inauguration en grande pompe qui durera toute la journée.
Le pétrolier contrôlé par Pékin est l’opérateur de ce projet. Il est partenaire, pour les premiers forages en Ouganda, de TotalEnergies, qui opère de son côté le projet Tilenga , près de quatre heures plus au nord, dont les premiers forages sont, eux, attendus au printemps. Le groupe français construit aussi Eacop, le plus grand oléoduc chauffé au monde, long de 1.443 kilomètres, qui traversera l’Ouganda et la Tanzanie. Des projets controversés, qui font l’objet d’une plainte en France, déposée par six ONG dont Survie et Les Amis de la Terre au nom du devoir de vigilance des multinationales – la décision du juge est attendue mardi.
« De plus en plus, l’Afrique prend le contrôle de son destin et n’a plus besoin de compter sur d’autres pays pour promouvoir son développement économique », lance Yoweri Museveni dans son discours, après avoir rappelé que cela fait cent ans que l’on cherche du pétrole dans la région et que même le colon britannique avait fini par abandonner.
Doubler le PIB
La « perle de l’Afrique » rêve désormais d’un futur de superpuissance énergétique. Ses réserves de pétrole sont estimées à 6,5 milliards de barils, dont 1,4 milliard seraient actuellement exploitables. Ce qui la laisse loin du Venezuela et de l’Arabie saoudite, mais la rapproche du Brésil, par exemple. « Les premières découvertes sont très prometteuses, cela nous laisse penser que nous pouvons en trouver davantage encore. Nous continuons d’explorer plusieurs zones avec comme objectif de prolonger la production au-delà de vingt-cinq ans », clame Frank Mugisha, commissaire en charge de l’exploration et de la production au ministère ougandais de l’énergie. Après TotalEnergies et CNOOC, un deuxième tour de licences a été attribué, intégrant UNOC, la compagnie nationale ougandaise, et l’australien DGR. Un troisième tour est attendu pour le mois de mai.
Avec les projets pétroliers en cours, l’Ouganda va recevoir 15 à 20 milliards de dollars d’investissements dans les trois à cinq prochaines années. De quoi tripler le niveau des investissements directs étrangers. L’Etat, qui contrôle 15 % des différents projets, devrait toucher 2,8 milliards de dollars de revenus directs du pétrole par an, durant la production. Le pétrole devrait ainsi peser près de la moitié des ressources publiques. « Selon nos économistes, le PIB pourrait doubler en l’espace de cinq ans », affirme Ernest Rubondo, directeur exécutif de la Petroleum Authority of Uganda, l’autorité de régulation du secteur, des yeux brillants qui ne sont pas dus qu’aux reflets du lac Victoria sur lequel donne son bureau, à Entebbe. Et il entend utiliser cette manne au mieux.
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