La somme est conséquente, même pour un géant mondial de la beauté. L’Oréal a mis plus de deux milliards d’euros sur la table – un montant historique pour lui-, pour s’offrir Aesop, une marque de cosmétiques haut de gamme au concept parfois détonnant dans le secteur, qu’il espère bien faire grandir rapidement.

1. Un coiffeur australien à l’origine de la saga
Voilà une marque qui vient tout droit des antipodes. Aesop a été fondée en 1987 à Melbourne par Dennis Paphitis, un coiffeur australien qui avait 27 ans à l’époque. Il se lance avec une gamme de produits fabriqués à la maison avec l’aide d’une chimiste. Le succès est immédiat et le « buzz » dépasse vite le salon de coiffure, ce qui conduit le jeune homme à lancer une marque premium pour écouler ses trouvailles dans les grands magasins australiens.
D’origine grecque, il baptise son entreprise Aesop – Esope en français-, cet intellectuel de la Grèce antique connu pour ses fables ayant inspiré, des siècles plus tard, un certain Jean de La Fontaine.

2. Du naturel et du non genré
Depuis l’origine, Aesop déploie un concept détonnant pour l’époque, et qui se révèle précurseur aujourd’hui. L’antienne de Dennis Paphitis le « less is more » – un retour à l’essentiel du produit et une rupture sur le marché de la beauté qui propose encore des shampoings à grand renfort de silicone et autres additifs.
Son approche de la « vérité produit » se traduit des formules vegans et des ingrédients naturels – l’entreprise est B Corp-, et aussi par flaconnage cuivre ultra-sobre qui rappelle celui des pots anciens de pharmacie. Ses boutiques sont par ailleurs ultra-minimalistes.
Last but not least, Aésop est aussi une des premières marques de soins à abroger la loi du genre : tous ses produits sont mixtes. « Aesop tire avantage de tous les courants de consommation ascendants actuels », observe le directeur général de L’Oréal, Nicolas Hieronimus.

3. Un propriétaire brésilien bien connu chez L’Oréal
Jusqu’ici, Aesop était dans le giron de Natura & Co. Le champion brésilien de la cosmétique en avait pris le contrôle en 2013 (en achetant 68 % du capital pour 68 millions de dollars), puis était monté au capital à 100 % en 2016. Ce groupe brésilien, versé dans le commerce équitable et la défense de l’Amazonie, connaît L’Oréal pour lui avoir racheté en 2017 la chaîne The Body Shop .
Dans son offre, Aesop était un acteur de petit calibre face à sa marque éponyme Natura ou Avon, mais aussi sa marque la plus rentable avec une marge opérationnelle d’environ 25 %. Le groupe brésilien a porté son réseau à 400 points de vente (dont 275 boutiques) en Amérique, en Europe, en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Asie.

4. Un rachat exceptionnel pour L’Oréal et son nouveau DG
En offrant 15 fois les bénéfices annuels estimés de la marque australienne – soit plus de deux milliards d’euros-, L’Oréal signe une acquisition au sommet de son histoire déjà longue de plus d’un siècle. Ces dernières années, le groupe tricolore avait pris l’habitude de cibler des proies plus petites, à un stade de développement plus précoce. C’est au passage le premier acte fort de Nicolas Hiéronimus à la direction générale du groupe.

5. Un potentiel de « marque milliardaire »
L’Oréal est confiant dans l’avenir de sa nouvelle griffe qui s’intégrera dans sa branche luxe, son moteur en ce moment. Le groupe entend en faire une « marque milliardaire », c’est-à-dire dépassant le milliard d’euros de chiffre d’affaires comme Lancôme, YSL Beauté, Armani ou Kiehl’s dans son giron, explique Cyril Chapuy, président de L’Oréal luxe.
Sous la houlette française, Aesop, qui a réalisé l’an dernier des ventes de 537 millions d’euros, va se déployer sur plusieurs marchés dès cette année. Notamment en Chine et dans les aéroports.

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