Le destin du métavers s’accélère en 2014, année qui voit Facebook multiplier les investissements stratégiques sur le marché de la réalité virtuelle. Mark Zuckerberg rachète Oculus VR, la franchise à l’origine du fameux casque de réalité virtuelle Oculus Rift, bientôt rebaptisé Meta Quest et commercialisé en 2016.

Entretiens d’embauche sur The Sandbox
Sept ans plus tard, Facebook devient Meta. Ou plus exactement : Meta devient la maison-mère d’un groupe composé de plusieurs géants de la tech, dont Facebook, Instagram et WhatsApp. Le nom du groupe n’a pas qu’une portée symbolique. L’idée, derrière, est de préempter le marché encore émergent : Meta doit devenir synonyme de métavers.
La naissance de Meta n’est pas seulement un tournant pour le groupe. Pour beaucoup d’entreprises, c’est un virage culturel et économique à ne pas manquer sous aucun prétexte. Il s’agit de ne surtout pas rater le coche, même lorsqu’on ne travaille pas a priori dans le secteur numérique. C’est le cas, par exemple, de Carrefour, dont les entretiens d’embauche organisés dans le métavers ont suscité beaucoup de commentaires (pas toujours flatteurs).
En quelques semaines à peine, le monde réel semble basculer, ou plutôt se dupliquer, dans le virtuel. Une première manifestation se déroule sur Décentraland en février 2022 (nous étions allés faire un tour sur la plateforme quelques semaines auparavant) et des défilés de mode s’organisent en ligne, avec une première Fashion Week spécialisée en mars de la même année. 
Comme vingt ans plus tôt dans Second life, plusieurs griffes investissent les nouveaux univers virtuels pour y ouvrir des concept stores. Les enseignes du textile notamment (H&M, Celio, etc.) ouvrent des extensions commerciales en version pixel. Même les artistes s’y mettent : David Guetta ou Young Thug ont performé dans le métavers, et le groupe de K-pop sud-coréen Blackpink a même raflé un prix spécial pour ses concerts virtuels.
Axie Infinity, The Sandbox… Au-delà de Decentraland, plusieurs plateformes fédèrent les explorateurs d’univers virtuels, suivant des règlements très variables. Sur VR Chat, qui se caractérise par un libertarisme tendance quasi-anarchiste, l’utilisateur est roi, pour le meilleur comme pour le pire. Les agressions (verbales mais pas que) y sont légion, étant donné le peu de moyens humains à la disposition des entreprises pour gérer et modérer ce qui se passe dans ces espaces virtuels. 
Inauguré en grande pompe en décembre 2021, Horizon Worlds, le métavers du groupe Meta, ne rameute que 300 000 utilisateurs en février 2022, et moins de 200 000 à la fin de la même année. Un délitement de l’audience qui s’explique sûrement en partie par les bugs techniques récurrents subis par les visiteurs. 

Un fossoyeur nommé ChatGPT
Le métavers entame son chant du cygne quelques mois plus tard, quand ChatGPT, l’intelligence artificielle génératrice de texte mise au point par OpenAI, commence à dévoiler ses capacités bluffantes. De quoi ringardiser presque instantanément le métavers, en tout cas aux yeux des médias et de la plupart des entreprises, qui se ruent dans la brèche ouverte par ChatGPT et, plus largement, par les IA génératrices de textes et d’images. Jusqu’au coup de grâce incarné, donc, par la lettre envoyée mi-mars par Mark Zuckerberg à ses collaborateurs du groupe Meta. Une lettre qui s’accompagne du licenciement de plus de 10 000 employés du groupe, dont bon nombre travaillaient justement sur le projet Horizon Worlds.
Que retenir de cette courte vie ? Beaucoup de fantasmes, et de dollars investis, mais une expérience utilisateur finalement très pauvre (pour rester poli). Car la révolution haptique, ce moment où le toucher pourra être répliqué dans les univers virtuels, n’a toujours pas eu lieu. Nul doute que le projet de métavers saura renaître de ses cendres à l’avenir, probablement sous un autre nom et une autre forme. En attendant, une parenthèse historique d’hystérie médiatique et corporate sur le sujet se referme. Le métavers est mort, vive le métavers !

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