Officiellement, le service Bard de Google est toujours expérimental. Mais Google estime avoir suffisamment avancé dans ses travaux pour rendre disponible en Europe et au Brésil son logiciel de conversation écrite dopé à l’intelligence artificielle. Par la même occasion, à partir de ce jeudi 13 juillet, le chatbot s’exprimera désormais dans plus de 40 langues, dont le français, l’arabe et l’allemand.

Dévoilé en février dernier, lancé en mars aux Etats-Unis et au Royaume-Uni puis dans 180 autres pays mais uniquement en anglais, en japonais ou en coréen, Bard n’a pour l’instant pas connu le fulgurant succès de son rival ChatGPT, le chatbot d’OpenAI. Mais cette exportation progressive permet toutefois aux équipes de Google d’ajuster leur tir.

Un chatbot pour l’imaginaire
Ainsi, après que des erreurs factuelles ont entaché sa réputation dès ses débuts, Bard n’est plus présenté comme un outil capable de résumer des réponses définitives à une question. Désormais, selon Google, il agit en « conseiller » à même de stimuler l’imagination de l’utilisateur.
« Plutôt que de synthétiser l’information, il permet d’accroître les possibilités d’utiliser l’information », indique Jack Krawczyk, le directeur pour le produit Bard chez Google. « C’est une IA, c’est de l’imagination augmentée », tente-t-il. Par exemple, Bard se fait fort de proposer à la demande différentes versions prérédigées d’un e-mail pour demander un jour de congé à son patron. Ou de suggérer divers plans d’entraînement en fonction d’un objectif sportif. Toutes ses réponses s’appuient sur l’analyse de milliards de textes en ligne et sur des données d’actualité à jour – à l’inverse de celles de ChatGPT qui s’arrêtent à l’année 2021 incluse.

Refus d’enregistrement
Mais les quatre mois de décalage entre les arrivées de Bard aux Etats-Unis et en Europe s’expliquent aussi par un travail de conformité à la réglementation européenne sur la protection des données personnelles. Google a dû s’y astreindre, en contact avec des CNIL européennes dont l’autorité indépendante française. Les utilisateurs de Bard auront la possibilité de refuser l’enregistrement de leurs discussions, même « à des fins d’amélioration du service » par l’entreprise californienne – dont l’essentiel des 280 milliards de dollars de revenus annuels dépend de la collecte de données personnelles afin de mieux vendre de la publicité.
Au-delà des obligations réglementaires, Google assure aussi avoir veillé à apprendre les subtilités d’une conversation en français. Le logiciel n’a toutefois pas brillé sur ce point lors d’une démonstration réservée à la presse. Interrogé sur le vainqueur de la dernière étape du Tour de France 2023, il n’a pas saisi qu’il était vraisemblablement questionné sur la course de la veille.
Pis, Bard a halluciné en donnant le nom d’un gagnant pour le traditionnel dernier ballet des coureurs sur les Champs-Elysées… alors que le départ de l’ultime étape du Tour 2023 ne sera donné que le 23 juillet. « L’outil s’améliorera, c’est tout l’intérêt de cette phase expérimentale », défend-on chez Google.

Un logiciel gratuit, pour l’instant
De même, Bard n’a pas été capable de fournir des conseils sur les meilleurs restaurants ouverts le jour même, en répondant ne pas savoir où se trouvait l’utilisateur qui avait pourtant accepté la géolocalisation. Il a fallu préciser le nom d’une ville pour que Bard affiche une liste détaillée de bonnes adresses. Un bouton « Rechercher » permet de retrouver les sources sur le moteur de recherche mais celles-ci ne sont jamais affichées sur l’interface principale, au risque de mécontenter les éditeurs de médias en ligne. « Nous restons engagés en faveur d’un Web ouvert et sain », assure pourtant Jack Krawczyk.
Totalement gratuit actuellement, Bard se cherche encore un modèle économique. Le champ des possibles est vaste, de la monétisation par la publicité (comme pour le moteur de recherche) à un modèle d’abonnement aux services. Sans compter l’intégration dans d’autres logiciels du groupe (Google Docs, Gmail, Assistant) ou en marque blanche sur les sites Web de clients de la division Cloud.
Le marché est porteur. D’après une étude Insider Intelligence, un tiers de la population américaine utilisera une plateforme d’intelligence artificielle générative au moins une fois par mois en 2025. A cette échéance, ChatGPT régnera toujours sur les trois quarts du marché, selon le cabinet d’étude, mais il aura cédé quelques points à ses nouveaux concurrents, qu’il s’agisse de géants comme Google et Meta ou de start-up comme Inflection AI.

Lire l’article complet sur : www.lesechos.fr