Depuis le début de la décennie 1970, les humains consomment davantage que ce que la planète Terre peut leur offrir. C’est ce que montre chaque année l’ONG Global Footprint Network, qui calcule le « jour du dépassement ». Cette date symbolique permet de se rendre compte du fossé entre ce que nous consommons et les capacités de production naturelles de la planète.

En 2022, le jour du dépassement tombait le 28 juillet . Cette année, c’est ce mercredi, le 2 août, qui marque le jour où la population mondiale vit « à crédit » des ressources de la Terre. Un recul de cinq jours dont on pourrait bien entendu se réjouir, mais qui n’est pas sans cacher les importantes conséquences de notre consommation et de notre production sur la planète.
« Le dépassement persistant entraîne des symptômes de plus en plus marqués, notamment des vagues de chaleur inhabituelles, des incendies de forêt, des sécheresses et des inondations, avec le risque de compromettre la production alimentaire », souligne le dirigeant de Global Footprint Network, Steven Tebbe. Alors le recul du jour du dépassement est-il une si bonne nouvelle ? Explications.

· Qu’est-ce que le « jour du dépassement » ?
Le jour du dépassement est issu d’un calcul qui compare les capacités de productions naturelles de la Terre (« biocapacités ») à l’empreinte écologique de l’humanité en un an. C’est-à-dire l’addition de tout ce que nous produisons et consommons, et les émissions qui en découlent. Les principaux indicateurs pris en compte dans ce calcul sont la consommation d’énergie, l’impact de l’agriculture, de la pêche, de la déforestation et le traitement des déchets ou encore nos émissions de CO2.
Cette année, il a lieu le 2 août : à partir d’aujourd’hui, les humains ont consommé plus que ce que la Terre est capable de produire en un an, d’après les calculs de l’ONG Global Footprint Network. En clair, il faudrait 1,7 planète Terre pour compenser l’empreinte humaine en 2023.
A noter que cette date est une moyenne internationale, mais elle varie énormément selon les pays. Le plus mauvais élève de la planète est le Qatar, dont le jour du dépassement intervient le 10 février, suivi par le Luxembourg et les Emirats arabes unis. Le pays ayant le jour du dépassement le plus tardif est la Jamaïque, le 20 décembre, tandis que la France connaît le sien le 5 mai. Traduction : le 5 mai, les Français ont consommé l’équivalent de ce que le territoire français offrait comme capacités naturelles sur l’année 2023.

· Pourquoi est-il plus tardif cette année ?
Bonne nouvelle ! Le jour du dépassement a reculé cette année. Et pourtant. « Cette amélioration est avant tout une question de méthode de calcul », explique Jean-Louis Bergey, coordinateur de la prospective à l’Agence de la transition écologique (Ademe). L’ONG qui fait ce calcul remet régulièrement à jour sa méthodologie pour en améliorer la précision. « Si l’on applique la même méthodologie à l’année dernière, nous avons en réalité perdu un jour » en 2023. Nous avons donc en réalité plus consommé et émis de CO2 que l’année dernière.
« Disons que cette progression du jour du dépassement se situe dans l’épaisseur du trait des calculs. C’est approximatif », souligne-t-il. D’ailleurs, Global Footprint Network a remis à jour l’ensemble de son tableau depuis 1971 avec cette nouvelle méthodologie. Il n’y a donc pas vraiment de quoi se réjouir cette année.

Jean-Louis Bergey souligne surtout que le jour du dépassement n’est pas un calcul exact, mais qu’il s’agit surtout de communiquer sur le sujet. « C’est un indicateur critiqué à juste titre pour son manque de précision, mais il permet d’alerter la population et de donner des chiffres à échelle internationale et par pays. C’est une estimation approximative mais elle permet de traduire la complexité », reconnaît-il.

· Y a-t-il de quoi se réjouir ?
Mais tout n’est pas perdu. « Depuis 2011, le jour du dépassement stagne et c’est plutôt positif, note Jean-Louis Bergey. Alors que depuis les années 1970 jusqu’en 2010, on ne faisait qu’accélérer. »
De fait, c’est souvent le contexte conjoncturel qui a joué sur la baisse de la consommation et des émissions : la crise financière de 2008 a eu des conséquences à long terme sur la consommation des populations, jusqu’en 2015-2016, souligne l’expert. En 2020, le jour du dépassement avait reculé de trois semaines grâce aux différents confinements dans le monde entier, qui avaient entraîné une baisse de la consommation.

Mais tout cela est encore insuffisant, d’après les inventeurs du concept. Ils détaillent notamment que « pour atteindre l’objectif fixé par le GIEC, à savoir réduire les émissions de carbone de 43 % dans le monde d’ici à 2030 par rapport à 2010, il faudrait déplacer le jour du dépassement de 19 jours par an au cours des sept prochaines années. »

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