Il faut beaucoup d’argent et des gros cerveaux pour briller dans l’intelligence artificielle. Dans le premier domaine, la France a du retard par rapport aux Etats-Unis, même si des start-up tricolores parviennent à lever des montants de plus en plus significatifs, à l’image de Mistral AI.
Dans le second domaine, l’Hexagone dispose par contre d’un réservoir de talents d’une profondeur remarquable, grâce notamment à un master de recherche qui fait briller les yeux : le MVA (mathématiques, vision, apprentissage).
Créé en 1996 par le département de mathématiques de l’Ecole normale supérieure Paris-Saclay, ce cursus expédie avec une extraordinaire régularité ses anciens élèves dans les laboratoires prestigieux, chez les géants de la tech et les grands groupes du CAC 40.
La voie royale
« Nous sommes très identifiés par les entreprises, et ce jusque dans la Silicon Valley », confirme Nicolas Vayatis, professeur de mathématiques à l’ENS Paris-Saclay et ancien directeur du MVA. La force du master réside dans sa multidisciplinarité et son ouverture au monde de l’entreprise, ce qui fait parfois défaut dans d’autres cursus tricolores.
« C’est la voie royale dans l’IA, juge Ambroise Odonnat, qui vient d’y finir sa formation et va entamer une thèse chez Huawei. Il y a des cours très théoriques, mais aussi des cours appliqués directement aux industries. Cela fait de nous des profils très recherchés. »
Le MVA séduit de plus en plus les matheux qui ont d’abord fait des grandes écoles d’ingénieur et auraient opté, dans le passé, pour la finance. « Nous sommes passés de 60 à 270 étudiants en près de 20 ans », indique Nicolas Vayatis. Le plus gros bataillon vient de Polytechnique, temple de l’élitisme républicain.
La demande est si forte que le MVA limite le nombre de personnes issues de l’X à 45 par an. « Nous avons fixé un quota afin de préserver une diversité dans le recrutement », justifie Nicolas Vayatis. L’excellence du master – et des travaux de recherche qui en découlent – fait partie des raisons pour lesquelles des entreprises comme Google ou Meta ont choisi d’ouvrir des laboratoires à Paris ces dernières années.
Des nombreux talents tricolores y ont fait leurs armes. Mais, alors que la French Tech grandit, certains n’hésitent plus à quitter ces mastodontes pour se lancer à leur compte. C’est le cas par exemple de deux fondateurs de Mistral AI, qui sont passés par le MVA pendant leurs études, puis avaient rejoint ensuite Deepmind et Meta.
Attractivité des start-up
« L’attractivité des Big Tech a sensiblement diminué depuis cinq ans », observe Julien Chaumond, le cofondateur de Hugging Face , une start-up américaine dont la R&D est installée à Paris. Une entreprise comme Meta a été émaillée par plusieurs scandales. Plus globalement, les salariés des géants de la tech déplorent souvent un manque d’autonomie.
A l’inverse, les start-up offrent de la souplesse, un niveau de rémunération de plus en plus attractif, mais aussi des BSPCE, des sortes de stock-option qui peuvent rapporter gros si la valorisation de la jeune pousse s’envole.
Il y a aussi l’enjeu intellectuel : travailler dans une jeune pousse de l’IA est la promesse d’être au coeur d’une rupture technologique majeure, comme les pionniers de la conquête spatiale ou le début du Web dans les années 1990.
Les pépites de la French Tech n’ont sans doute pas fini de faire leur marché au sein du MVA. Le 29 novembre, le célèbre master attend une trentaine de start-up (et 70 entreprises dans l’IA) lors d’un forum des stages. Mieux vaudra y venir avec un CV actualisé.
Adrien Lelièvre
Lire l’article complet sur : www.lesechos.fr
Leave A Comment