Le Nigeria a des atouts : du pétrole et une population jeune. Mais il cumule les difficultés. L’insécurité, la contrebande et le vol d’hydrocarbures atteignent un tel niveau que les recettes pétrolières ont tendance à baisser . La pauvreté endémique, le terrorisme et la guerre civile dans le nord du pays avec Boko Haram minent le pays. Sans oublier une politique économique catastrophique ces dernières années.

Le nouveau président élu il y a un an, Bola Tinubu , a toutefois lancé deux grandes réformes. Le taux de change de la monnaie nationale, la naira, a été libéralisé et les subventions aux carburants ont été arrêtées. A long terme, ce sont peut-être de bonnes décisions. Les investisseurs étrangers s’en félicitent.

Les investisseurs réclament des gages
Comme le dit Régis Tromeur, responsable des conseillers du commerce extérieur au Nigeria, « le pays doit améliorer sa compétitivité d’abord en assurant une stabilité monétaire et les réformes de Tinubu y participent. Mais, il faudra donner plus de gages pour que les investisseurs étrangers reviennent et assurer une croissance de 8 % à 9 % par an ». Pour Olivier Becht, « ce sont des réformes courageuses et nécessaires pour créer un environnement plus propice aux affaires ».
Peut-être mais depuis, la naira a perdu les deux tiers de sa valeur par rapport au dollar , le prix de l’essence a été multiplié par trois dans un pays où une grande partie de l’électricité est produite par des générateurs privés et l’inflation galope. Le PIB par habitant en dollars courants stagne depuis près de dix ans. « On en a encore pour douze à dix-huit mois de marasme », juge un entrepreneur tricolore.

Une population résiliente
Alors, on ne peut être que frappé par la résilience d’une population, soumise à une véritable prédation de la classe dirigeante et qui supporte les crises les unes après les autres. « Demain, ça ira mieux », est une phrase que l’on entend régulièrement dans la bouche des Nigérians. Ou plus précisément, que l’on entendait.
La révolte populaire contre les MSars, une unité de la police nigériane rackettant, torturant et allant jusqu’à tuer des habitants, en octobre 2020 a marqué les esprits. Des heurts ont abouti à des tirs de la police, notamment à Lagos, sans que l’on sache précisément combien de Nigérians ont été tués. La crise des billets, quand l’ex-président Buhari a demandé à la banque centrale de retirer certains billets en circulation avant les élections de 2023 a aussi laissé des traces. Les gens se sont retrouvés sans cash.

Les Nigérians n’attendent plus rien de la puissance publique, mais ils ne réussissent pas à s’organiser en contre-pouvoir.
Régis Tromeur Responsable des conseillers du commerce extérieur au Nigeria

« Dans beaucoup d’autres pays, il y aurait eu une révolution depuis longtemps », juge un expatrié. Mais « les Nigérians sont dotés d’une forte résilience. Ils tentent, dans un contexte inflationniste, de subvenir à leurs besoins familiaux basiques. D’un côté, ils n’attendent plus rien de la puissance publique mais de l’autre, ils ne réussissent pas non plus à s’organiser en contre-pouvoir », considère Régis Tromeur. Il faut dire que le pays est fédéral et divisé, entre différentes ethnies.

Self-made-men
Même si l’économie patine, certains secteurs, comme la haute technologie ont le vent en poupe. La figure du « self-made-man » est très importante pour les Nigérians. On peut lire des slogans dans la rue tels que « no food for lazy man » : pas de nourriture pour les fainéants.
Evidemment, une grande partie de cet « entrepreneuriat » s’explique par la nécessité de survivre. Mais pas seulement. « Les Nigérians ont un côté américain dans le business, dit un Français arrivé il y a quelques années à Lagos. Ils sont pragmatiques, bosseurs, entreprenants. »
« C’est un capitalisme dur, hyperconcurrentiel, souvent carnassier, à l’anglo-saxonne, qui prévaut à Lagos », juge Régis Tromeur. En même temps, « il faut jongler avec les changements récurrents de réglementations et le mille-feuille fiscal », poursuit aussi le cadre. Sans compter les coûts de sécurité très élevés pour pallier l’absence d’Etat régalien.

Lagos, la cité des extrêmes
« C’est un pays d’un dynamisme incroyable », dit Karim Belkaïd, responsable des activités de DBN, une entreprise parapétrolière, au Nigeria. Présent depuis 20 ans dans le pays, il faut l’entendre pester contre les difficultés quotidiennes. Pourtant, il n’a réussi à tenir que huit petits mois en région parisienne il y a quelques années quand son employeur a voulu le faire revenir en France. Il est reparti. L’Hexagone était trop déprimant, sans énergie. Tout était fade par rapport à Lagos où l’imprévu vous attend à chaque coin de rue.
La capitale du Nigeria est un condensé de vie. Une ville débordante d’énergie qui pèse un quart du PIB nigérian, soit les économies de Côte d’Ivoire, du Sénégal et du Mali additionnées. Une ville où se côtoient les hommes les plus riches du pays et une multitude de pauvres vivant dans des bidonvilles.

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