Conçu sur les ruines de la crise de 2008, comme une alternative au système financier, le bitcoin est, quinze ans après, plus que jamais porté par la finance traditionnelle qu’il rêvait de remplacer. Mardi vers 16 heures, il a atteint 69.324 dollars sur Coinbase, en hausse de 4,4 % ces dernières 24 heures et de 19 % en une semaine, portant sa valorisation à 1.340 milliards de dollars.
Son précédent record remontait au 9 novembre 2021. Il avait alors tutoyé les 69.000 dollars. Lundi, le bitcoin a aussi, pour la première fois, dépassé le cap des 60.000 euros. En un an, la reine des cryptos a triplé de valeur. A l’époque, les cours des cryptos étaient portés par « l’argent gratuit » lié à l’environnement de taux bas, « l’épargne Covid » constituée pendant la crise et la croyance que la pandémie allait faire des monnaies 2.0, l’argent de l’économie numérique de demain. Mais les commerces ont rouvert et la guerre en Ukraine a attisé l’inflation , que la Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque centrale européenne (BCE) ont combattue avec succès en relevant les taux d’intérêt.
Deux ans de purge effacés
Avec un bitcoin au plus haut, c’est comme si les deux dernières années de purge dans le secteur crypto n’avaient pas existé. Au-delà de l’environnement macroéconomique, cette période a pourtant été marquée par des crises retentissantes touchant des acteurs censés être fiables, en tête desquels figurent FTX et son fondateur Sam Bankman-Fried. Le prodige des maths avait ses entrées à Washington , il croupit aujourd’hui en prison . Son principal concurrent, le patron de Binance Changpeng Zhao a accepté de payer 4,3 milliards de dollars d’amende . Sans oublier le prometteur stablecoin Terra , liquidé en 24 heures, le fonds crypto 3AC , ou Celsius … tous tombés.
Malgré ces sérieuses atteintes à la réputation des cryptos – auxquelles on peut ajouter l’effondrement des NFT (jetons non fongibles) , une bulle massive vidée à 95 %, ou les meme coins, ces cryptos parodiques masquant souvent des « arnaques à la bouilloire », et enfin le financement du terrorisme , que la guerre à Gaza a remis sous le feu des projecteurs -, le secteur se relève donc, bitcoin en tête. « Ces conditions rappellent certains moments de fin 2020 et 2021, de marché haussier et d’optimisme extrême », a déclaré à Bloomberg Jaime Baeza, fondateur du fonds spéculatif crypto AnB Investments. « Il existe un fort effet de levier sur le marché et les niveaux d’avidité deviennent extrêmes. » Le « greed index » vient ainsi de toucher les 82 %.
Le catalyseur de la hausse a été l’approbation , le 11 janvier par la Securities and Exchange Commission (SEC), de onze fonds indiciels cotés et directement investis en bitcoin (ETF bitcoin spot). Depuis, les gestionnaires d’actifs ont amassé près de 17 milliards de dollars de bitcoin, selon Bloomberg, dont 10 milliards rien que pour BlackRock. Jamais, en trente ans de lancements d’ETF, les émetteurs n’avaient enregistré une telle collecte.
Les autres « coins » à la fête
Ce puissant moteur est amplifié par un ralentissement de l’inflation en ce début 2024, qui devrait conduire à une détente sur les taux d’intérêt .
En ce mois de mars comme par le passé, quand la reine des cryptos s’apprécie, les autres suivent. Sa dauphine, l’ether, a gagné près de 60 % depuis le début de l’année – elle est aussi portée par l’espoir d’entrer à Wall Street via une dizaine d’ETF en mai. A 3.800 dollars, elle reste assez loin de son record historique de plus de 4.600 dollars. Le solana (+32 % depuis janvier), le ripple (+25 %) ou encore le cardano (+50 %) ont également enregistré de belles performances.
Les jetons liés à l’IA ont eux aussi fortement progressé en surfant en plus sur les espoirs attachés aux prouesses de l’intelligence artificielle générative (+217 % pour FetchAI en un mois ou +220 % pour SingularityNET). Mais ce sont les « meme coins » qui ont repris le plus de force, notamment le dogecoin (+120 % en un mois), le shiba (+260 %) ou le pepe coin (+690 %).
Pour les professionnels, c’est l’un des indicateurs montrant que les particuliers sont revenus dans la crypto. Après être restés en marge du marché pendant deux ans, ils ont lu dans la presse que le bitcoin remonte et ont peur de manquer le prochain cycle haussier. En 2022, leur mauvaise gestion du risque leur avait fait perdre des fortunes .
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