Quel changement de pied ! Il y a trois ans, les constructeurs occidentaux rivalisaient de zèle dans leurs plans pour se convertir au 100 % électrique en Europe, fouettés par la volonté de ne pas se faire ringardiser par Tesla.
Mais depuis quelques mois, l’euphorie n’est plus de mise. Des perspectives de ventes moins roses que prévu et l’évaporation des subventions à l’achat versées par les Etats font grimper la nervosité chez la plupart des grands groupes, amenant même certains d’entre eux à briser le tabou d’un report de l’échéance de 2035.
Le premier à mettre les pieds dans le plat a été Carlos Tavares. A plusieurs reprises ces dernières semaines, le patron de Stellantis a évoqué « deux scénarios » pour les élections européennes de cette année : « une accélération des voitures électriques » si les « progressistes dogmatiques » l’emportent, ou « un ralentissement », en cas de victoire des « populistes ». En agitant la seconde hypothèse, Carlos Tavares a introduit implicitement dans le débat l’hypothèse d’une révision du calendrier réglementaire qui doit conduire à l’interdiction du moteur thermique en 2035.
Lutz Meschke, le directeur financier de Porsche, a été plus direct. « Il y a beaucoup de discussions en ce moment autour de la fin du moteur à combustion, a-t-il confié à l’agence Bloomberg fin janvier. Je pense que cela pourrait être retardé. »
« Un peu plus tard… »
Lors du Salon automobile de Genève , fin février, Luca de Meo a soufflé le chaud et le froid. Le patron de Renault, qui est également le président de l’Acea, le lobby des constructeurs européens, a expliqué lors d’une conférence de presse que l’industrie ne pouvait plus reculer sur 2035, tout en réclamant que les « conditions adéquates » soient mises en place pour tenir l’échéance.
Le lendemain, il précisait toutefois à l’AFP que le secteur s’accommoderait d’un report : « A la base, nous demandions une date postérieure parce que nous pensions que le délai serait trop court. C’est entre les mains du législateur […] j’espère que l’interdiction s’appliquera un peu plus tard, parce que nous ne serons pas capables de le faire sans endommager toute l’industrie. »
La marque Renault avait annoncé en 2022 qu’elle serait tout électrique en Europe dès 2030, en précisant qu’il faudrait que les conditions de marché soient réunies. Fabrice Cambolive, le patron de la marque, vante aujourd’hui les « deux jambes » du groupe, l’électrique et le thermique, ce qui peut fonctionner selon lui « pour les dix années à venir ». Une vraie inflexion de discours, même si Renault a toujours dit qu’il continuerait à vendre des voitures thermiques hors d’Europe.
Rééquilibrage des discours
« Avec la fin du projet de mise en Bourse d’Ampere , son entité consacrée à l’électrique, Renault est en train de rééquilibrer son discours, décrypte Thomas Besson, analyste chez Kepler Cheuvreux. D’autres constructeurs font de même. Et certains ‘désinvestissent’ en repoussant des investissements ou des lancements dans l’électrique, contribuant à la hausse de leurs cours de Bourse, augmentant le potentiel de retour de cash aux actionnaires et améliorant la perception du risque électrique. »
Les constructeurs américains ont annoncé désengager des moyens dans l’électrique. Certains européens aussi. Volkswagen, peu avant de renoncer à lancer une introduction en Bourse de sa filiale dans les batteries, a reporté un projet supplémentaire de gigafactory.
Ce changement de pied est à la fois en phase avec le ralentissement de la croissance des ventes d’électriques, et avec les nouvelles attentes des investisseurs. Les marchés sont échaudés par le tout électrique.
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