La scène a été amplement relayée par les médias et les réseaux sociaux. Le 25 février, Narendra Modi, le Premier ministre indien, enfile une tunique orange et un scaphandre pour aller faire une « puja » (rituel d’offrande) à plusieurs mètres sous l’eau, à Dwarka, une ville sainte hindoue située dans son fief du Gujarat. Les images prises par les agences de presse sont hallucinantes : on peut y voir Modi assis en tailleur au fond de l’eau, mains jointes devant la poitrine, puis agitant un éventail fait de plumes de paon au-dessus de ruines sous-marines.
Cette séquence est la dernière d’une longue série de mises en scène qui ont un héros principal : Narendra Modi. Au mois de janvier, on pouvait voir le Premier ministre faire du masque et du tuba dans l’archipel indien de Lakshadweep. Une vidéo de sa visite a ensuite été partagée sur la chaîne YouTube du Premier ministre. L’opération de communication était destinée à promouvoir les îles indiennes au détriment des Maldives voisines, vues d’un mauvais oeil par l’Inde depuis que le nouveau président de l’archipel paradisiaque, Mohamed Muizzu, a décidé de se rapprocher de Pékin plutôt que de New Delhi.
Registre populiste
Ces mises en scène qui s’inscrivent dans un registre populiste font écho à celles organisées il y a quelques années par Vladimir Poutine : Poutine sur son cheval dans les montagnes de Sibérie, Poutine en kimono sur les tatamis, Poutine pêcheur d’amphores dans la mer Noire…
Agé de 73 ans, le leader hindou semble lui aussi vouloir prouver que, malgré son âge, il reste un homme fort, viril, courageux. Un vestige de ses années passées au Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS), une organisation extrémiste hindoue qui encourage la bonne santé physique de ses membres. La multiplication de ces sorties n’est sans doute pas un hasard : Modi briguera un troisième mandat de Premier ministre à l’issue des élections législatives qui se dérouleront au printemps.
Toutes ses « aventures » sont calibrées pour les réseaux sociaux et sont abondamment relayées sur les plateformes. Cela fait de Narendra Modi l’influenceur en chef du pays le plus peuplé du monde. Les réseaux sociaux sont le médium parfait pour Modi, qui ne parle presque jamais aux médias et ne donne pas de conférence de presse.
Fait notable : Modi aime enfiler les habits de « prêtre en chef » du géant asiatique, n’hésitant pas à endosser un rôle religieux dans un pays pourtant pourvu d’une constitution laïque. La cérémonie sous-marine à Dwarka était de nature religieuse. En janvier, il avait déjà enfilé la tunique de sauveur de l’hindouisme en chapeautant l’inauguration du controversé temple de Ram à Ayodhya.
Maître des réseaux sociaux
Modi et son parti, le Bharatiya Janata Party (BJP), sont passés maîtres dans l’utilisation des réseaux sociaux : Facebook, Instagram, X, YouTube mais aussi WhatsApp. Lorsque Modi est critiqué ou bien moqué, des millions d’internautes se mobilisent pour défendre le leader hindou, organisant parfois de violents raids numériques contre ceux qui osent s’en prendre au Premier ministre.
L’impact de ces opérations de communications est d’autant plus grand que la population a massivement adopté le smartphone depuis l’accession au pouvoir de Narendra Modi. En 2012, l’Inde ne représentait que 2 % du trafic mondial de données mobiles. Aujourd’hui, c’est 21 %. Le pays consomme plus de données que les Etats-Unis et la Chine réunis. Une révolution permise par Jio, l’entreprise du magnat Mukesh Ambani, qui, à l’image de Free en France, a cassé les prix des forfaits mobiles.
Don d’ubiquité
En plus de cette stratégie numérique, Modi sature l’espace public. Difficile de faire 100 mètres à New Delhi, la capitale, sans voir un portrait du Premier ministre. Les affiches à son effigie installées partout à Delhi à l’occasion du G20 de septembre dernier n’ont toujours pas été enlevées. Modi s’est offert l’ubiquité aux frais du contribuable indien.
De coûteuses cabanes à selfies avec une réplique grandeur nature du leader hindou ont même été installées dans plusieurs stations de train et dans certains parcs publics de la ville. Un tel culte de la personnalité est inédit dans l’histoire politique indienne.
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