C’est une campagne qui interpelle : « Le made in France, c’est mieux si on paye in France. » Depuis fin avril, ces visuels se multiplient sur les panneaux publicitaires français. Derrière eux, le groupement d’intérêt économique (GIE) Cartes Bancaires, plus connu sous le nom de CB.
Avec cette opération, le réseau de paiement français espère renforcer sa présence auprès du grand public et, surtout, lui faire comprendre « l’acte citoyen que le paiement représente ». Car CB perd des parts de marché face à ses concurrents américains, Visa et Mastercard. Explications.
1. Un réseau leader en France…
Lancé il y a quarante ans , CB est aujourd’hui le réseau de paiement leader en France. Il est gouverné par le groupement d’intérêt économique (GIE) Cartes Bancaires, dont font partie notamment les grandes banques françaises, la britannique HSBC et l’américaine JP Morgan.
C’est par CB que transitent automatiquement la majorité des transactions par mobile et par carte dans l’Hexagone. En 2023, CB a ainsi représenté 15 milliards de transactions, pour un volume de 700 milliards d’euros. Près de 77 millions de cartes portent son logo.
Pour que le consommateur puisse régler ses achats à l’étranger, un logo s’ajoute souvent à celui de CB : celui de Visa ou de MasterCard. On dit alors d’une carte qu’elle est « co-badgée ».
S’il reste champion, le réseau CB voit toutefois ses concurrents monter en puissance. Alors qu’il traitait plus de 90 % des flux de paiements en France il y a quelques années, cette part de marché a régressé à un peu moins de 85 %. Et comme les flux ont, dans le même temps explosé, la perte de terrain est réelle.
2. … soumis à la concurrence de Visa et Mastercard
Plusieurs explications permettent d’expliquer ce phénomène. D’abord, depuis quelques années, la part des cartes « Visa-only » ou « Mastercard-only » augmente. Les transactions effectuées avec ces cartes – qui ne portent pas le logo CB – transitent automatiquement via les réseaux américains. Et cela, même si le paiement est effectué en France.
En cause, l’essor de néobanques, comme Revolut ou Boursobank, dont les cartes ne présentent pas le logo CB, mais aussi les opérations spéciales de certaines grandes banques françaises. À l’occasion des JO de Paris 2024, dont le groupe BPCE est partenaire , le logo CB a par exemple été remplacé par la flamme olympique sur les cartes haut de gamme.
Les six grands groupes bancaires français paient aussi un retard de développement sur le numérique. La plupart attendaient le projet de carte bancaire européen d’EPI (pour « European Payment Initiative »), censé concurrencer Visa et Mastercard. Mais ses ambitions ont été revues à la baisse . Pendant ce temps, seuls Société Générale et Crédit Agricole se sont penchés sur le volet numérique de CB, comme le paiement avec Apple Pay. Résultat, la majorité des flux de paiement numériques passent par Visa ou Mastercard.
Lors d’achats en ligne, où les clients sont invités à sélectionner leur réseau de paiement, CB souffre en outre d’une méconnaissance du grand public chez qui s’opère aussi une confusion avec la carte Bleue. Les deux tiers du temps, ceux qui ont une carte co-badgée cliquent sur les logos Visa ou MasterCard. Et l’arrivée du Click To Pay en France devrait, elle aussi, se faire à l’avantage des deux géants américains.
3. Des frais à l’avantage des commerçants
Les implications sont pourtant nombreuses. « Le paiement par carte ou mobile, un geste si simple au quotidien qui embarque tant de complexité technologique et d’enjeux stratégiques méconnus », résume Philippe Laulanie, directeur général de CB, cité dans un communiqué. Pour les clients, CB met en avant des enjeux de sécurité et de protection des données. Son réseau serait ainsi trois fois moins fraudé que les réseaux américains.
Pour les commerçants, l’enjeu est financier. Car suivant si un client paie avec une carte CB ou une American Express, le coût ne sera pas le même. Lorsqu’un client paie à la caisse d’un magasin avec sa carte bancaire, le pourcentage facturé au commerçant pour ce paiement varie ainsi de 1 à 10, voire davantage. Même situation en ligne. En quatre ans, les frais de paiement auraient ainsi augmenté de 50 %, avance une étude européenne.
4. Un plan ambitieux
« Quand nous avons pris acte que le projet de carte d’EPI ne se faisait pas, nous avons réuni l’ensemble des acteurs interbancaires pour relancer CB », résumait aux « Echos », en mai 2023, Jean-Paul Mazoyer, président de Cartes Bancaires et directeur général
La campagne d’affichage actuelle dans les rues de France en fait aussi partie. Car pour CB, le choix de la marque de paiement n’est pas tout à fait éclairé, notamment en ligne. « Cette campagne publicitaire illustre l’enjeu de souveraineté nationale qui se cache derrière le paiement », estime Philippe Laulanie.
D’ici 2025, la plupart des grandes banques françaises devraient aussi avoir migré sur une seule plateforme de tokenisation, afin de faire passer l’ensemble des flux de paiements des portefeuilles électroniques par CB. Le réseau domestique compte aussi sur l’arrivée de nouveaux membres. En mars, le géant américain JP Morgan a annoncé intégrer le GIE Cartes Bancaires (CB). Objectif : permettre à ses clients en France – parmi eux Google, Amazon ou Meta – de faire passer leurs paiements par le réseau national, et non plus par Visa ou MasterCard.
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