Le président du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, était jeudi au Mali, où il s’est entretenu avec le président malien par intérim, Assimi Goïta, avant de se rendre à Ouagadougou dans la soirée. © Présidence du Sénégal/ X
Après le Mali, le président sénégalais était, jeudi après-midi, au Burkina Faso. La deuxième étape de son voyage dans l’espace de l’Alliance des États du Sahel (AES), qui regroupe les deux pays qui, avec le Niger, ont annoncé, en janvier dernier, leur sortie de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qu’ils accusent d’être encore trop dépendante de l’ex-puissance coloniale française et de ne pas les avoir assez soutenus contre le djihadisme. À l’issue de ses échanges avec les deux dirigeants putschistes Assimi Goïta et Ibrahim Traoré, le Sénégalais Bassirou Diomaye Faye, investi en avril, a jugé qu’une réconciliation est possible entre l’organisation régionale et les trois pays du Sahel.
Le chef de l’État sénégalais est jugé crédible par les analystes, car tout comme les régimes militaires qui ont pris le pouvoir lors de putschs successifs au Mali, au Burkina Faso et au Niger mais aussi en Guinée, depuis 2020, il prêche le panafricanisme et le souverainisme. Et ce même s’il a choisi la voie des urnes pour se faire élire à 44 ans, plus jeune président du Sénégal, sur la promesse de rupture avec le « système », selon lui, par son prédécesseur. Il avait aussi prôné une rupture avec le franc CFA. « Ces visites s’inscrivent dans une dynamique de renforcement des liens historiques de bon voisinage, d’amitié fraternelle, de solidarité et de coopération multiforme », avait annoncé la présidence sénégalaise.
Une carte diplomatique difficile à jouer
Le Niger, le Mali et le Burkina Faso ont formé l’Alliance des États du Sahel en 2023 et fondé une force antidjihadiste conjointe. Le chef de l’État sénégalais, fer de lance d’une approche panafricaniste, a dit avoir longuement parlé de la Cedeao avec son premier hôte, le chef de la junte malienne, Assimi Goïta. La position malienne, « quoique rigide, n’est pas totalement inflexible », a-t-il déclaré à la presse au côté du colonel Goïta. La Cedeao est « très malmenée », mais « nous ne devons pas nous résigner et dire qu’on ne peut plus rien faire. Il y a des difficultés, il faut parler aux uns et aux autres et les comprendre et, à partir du niveau de compréhension et des écarts de position, voir ce qu’il est possible de bâtir sur le socle qui existe », a-t-il ajouté, avant de préciser : « Je ne désespère pas de voir la Cedeao repartir sur des bases nouvelles, qui nous éviteront de revivre par la suite la crise que nous traversons aujourd’hui. »
Au-delà du symbole, cette visite avait aussi un volet concret : l’économie. Le Sénégal partage des centaines de kilomètres de frontières avec le Mali et entretient avec lui d’importantes relations commerciales, notamment via le port de Dakar. La situation sécuritaire du Mali et du Sahel et le risque de propagation du djihadisme au Sénégal réputé pour sa stabilité préoccupent fortement Dakar depuis de nombreuses années. La sécurisation de la frontière sud-est du Sénégal constitue en particulier un enjeu de taille. Dakar veut éviter à tout prix les infiltrations de groupes djihadistes. Il en va aussi de même des relations économiques et commerciales entre les deux États, surtout à deux semaines de la fête de la Tabaski. Le Sénégal est le premier partenaire économique de Bamako. L’arrivée des moutons du Mali pour la « fête du mouton », était, donc, au cœur des discussions, tout comme le dossier de la restauration du chemin de fer entre Dakar et Bamako.
À Ouagadougou, Bassirou Diomaye Faye a également évoqué la Cedeao avec le chef du pouvoir militaire, le capitaine Ibrahim Traoré. « Je comprends aujourd’hui que les positions sont quelque peu figées, mais je perçois dans chacune de ces positions une fenêtre d’ouverture qui permet de nouer un fil de dialogue », a déclaré le président sénégalais, cité dans un communiqué du pouvoir burkinabé. Sur le volet bilatéral, le chef de l’État sénégalais a affirmé « l’engagement » de son pays « aux côtés » du Burkina. Les deux États souhaitent « raffermir » leurs « relations », notamment sur « le plan commercial ».
C’est la 10e visite d’un pays africain pour le nouveau dirigeant sénégalais, « une option qui en dit long sur la place de choix qu’occupent le renforcement du panafricanisme et la redynamisation de l’intégration sous-régionale dans ses priorités diplomatiques », a fait valoir le gouvernement. Bassirou Diomaye Faye a cependant assuré ne pas être venu à Bamako et à Ouagadougou en tant que « médiateur de la Cedeao », mais pour une « prise de contact » qui l’a conduit dans plusieurs autres pays africains, dont la Côte d’Ivoire, le Nigeria ou encore le Ghana, dont le président, Nana Akufo-Addo, l’a chargé de jouer un rôle dans la résolution de la crise entre l’AES et l’organisation régionale. « Je ne suis mandaté par aucune instance de la Cedeao », a-t-il insisté jeudi le président sénégalais. À chacune de ces étapes, il a été question de l’avenir de l’organisation mais aussi, plus largement, de celui de la démocratie dans la sous-région ouest-africaine qui se trouve à un tournant majeur de son histoire.
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