C’était la grande inconnue de la nouvelle stratégie nationale bas carbone (SNBC) de la France, concoctée par le gouvernement depuis l’automne 2022. Quel chiffre mettre en face des puits de carbone ? La France compte largement sur ses forêts, qui absorbent du CO2 via le processus de photosynthèse, pour jouer ce rôle crucial et atteindre son objectif de réduction des gaz à effet de serre à horizon 2030. Dans les fameux tableaux publiés depuis la mi-2023, où il détaille la façon dont la France pourra atteindre ses objectifs, le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) a longtemps laissé la question sans réponse.

Forêts mal en point
Or la toute dernière version de son plan, publiée fin mai et repérée par le site spécialisé Contexte, fait enfin apparaître un chiffre : 18 millions de tonnes en 2030. « Nous attendions l’étude commandée par l’IGN, publiée il y a quelques jours. Nous avons simplement repris les résultats de son scénario médian », explique-t-on au SGPE.
Cette estimation est cohérente avec celle de Carbone 4, réalisée pour des organisations professionnelles (France Bois Forêt, Codifab et Copacel). « L’étude de Carbone 4 estimait le puits à 15 millions de tonnes sur 2002-2025 et à 22 millions de tonnes sur 2025-2030 – et montrait une nette dégradation après 2035-2040 », rappelle Maxime Chaumet, le directeur général de France Bois Forêt.
Elle reste toutefois très inférieure aux objectifs votés en mars 2023 par le Parlement européen, qui tenaient lieu d’estimations jusque-là, et qui fixe un puits de 34 millions de tonnes pour la France. « Il s’agit pourtant d’un règlement, qui s’impose à nous », relève Bruno Doucet de l’ONG Canopée.
Déterminer la quantité de dioxyde de carbone qui sera absorbée par les forêts françaises en 2030 (et qui plus est, la piloter) est particulièrement compliqué. D’abord, parce que les arbres sont mal en point, touchés par le stress hydrique qui ralentit leur croissance, ou par des insectes ravageurs comme les scolytes.

Augmentation de la récolte de bois
La dernière édition de l’inventaire forestier établi par l’IGN (2023) montre que le taux de mortalité des arbres a grimpé de 80 % en dix ans. En conséquence, les puits de carbone liés à la forêt ont été plus que divisés par deux depuis le début des années 2010 : elles absorbaient 45 millions de tonnes en 2012, contre 17 millions de tonnes estimés en 2022 et 21 millions de tonnes estimés en 2023. « La politique forestière menée aujourd’hui n’aura d’impact que dans vingt ou trente ans », rappelle-t-on au sein de l’exécutif.
Par ailleurs, le puits de carbone dans les années à venir dépendra aussi de la récolte de bois, que les professionnels et le gouvernement souhaitent augmenter d’ici à 2030. « La maintenir au niveau actuel permettrait pourtant de retrouver un puits de carbone au niveau de 2015 », assure Bruno Doucet.
Le sujet est complexe. La filière fait vivre 60.000 entreprises qui représentent 400.00 emplois directs. En outre, « une bonne partie des arbres récoltés viennent de forêts malades, stopper la récolte reviendrait à augmenter la mortalité », soutient de son côté Maxime Chaumet.
A plus long terme, le gouvernement mise sur son plan de renouvellement de la forêt pour relancer les puits de carbone. Symbolisé par la promesse d’Emmanuel Macron, fin 2022, de planter 1 milliard d’arbres en dix ans, ce plan devrait enfin être lancé dans les semaines à venir. « Les derniers arbitrages devaient être pris ces jours-ci, la réunion a été reportée de deux semaines », assure une source bien informée.

Critères trop souples
Alors qu’une enveloppe de 250 millions d’euros par an doit être consacrée au reboisement, les acteurs du secteur attendent tout particulièrement les arbitrages de Matignon sur les coupes rases. Les ONG ont dénoncé que 80 % des crédits consacrés au reboisement dans le plan France Relance aient été consacrés à des replantations après coupes rases (coupe d’une parcelle en une seule fois).

« Les critères étaient trop souples, permettant notamment les coupes rases si les forêts étaient jugées vulnérables au réchauffement ou trop pauvres économiquement », explique Bruno Doucet. Selon nos informations, les coupes rases ne devraient pas être interdites, mais réservées en priorité aux forêts malades ou dépérissantes. Encore faudra-t-il aussi définir précisément ces concepts.

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