Bases de données personnelles, logiciels d’usurpation d’identité, services de développement de sites web frauduleux… Selon un rapport publié recemment par le spécialiste de l’analyse de la blockchain Elliptic, tous ces « produits » spécialement conçus pour aider les escrocs à dépouiller leurs victimes sont disponibles sur Huione Guarantee.

Lancée en 2021, cette plateforme rattachée à un conglomérat lié à la famille Hun, dont est issu le Premier ministre cambodgien Hun Sen, se présente comme une simple marketplace proposant toutes sortes de biens « légitimes ». Il s’agirait pourtant d’un véritable supermarché de l’arnaque, où les annonces frauduleuses – consultables via des canaux de messagerie en ligne – pullulent.
Elliptic a pu retracer 11 milliards de dollars de transactions depuis le lancement du site en 2021, les paiements y étant majoritairement réalisés avec la cryptomonnaie Tether. Le rapport estime qu’une grande partie de ces opérations sont liées, d’une façon ou d’une autre, à des escroqueries. « Malgré son implication active dans les transactions illicites, Huione Guarantee prétend être une plateforme neutre qui n’a aucune responsabilité dans ce qui est vendu. Mais la majorité des biens et des services proposés aujourd’hui semblent cibler directement les opérateurs de cyber-escroquerie », avance Elliptic, qui précise qu’une autre entreprise du groupe, Huione International Payments, est impliquée dans le blanchiment de fonds provenant d’escroqueries réalisées dans le monde entier.

Fraude à échelle industrielle
La plateforme serait plus particulièrement prisée par les auteurs d’escroqueries aux sentiments, qui consistent à approcher une cible, souvent sur les réseaux sociaux, puis à gagner sa confiance en nouant avec elle une relation amicale ou amoureuse. L’objectif est de l’inciter à réaliser des placements, en général sur de fausses plateformes cryptos, en lui faisant miroiter des gains considérables. Perpétrées à échelle industrielle par des réseaux d’escrocs chinois établis en Asie du Sud-Est, les fraudes liées à ce mode opératoire ont explosé à la faveur de la pandémie de Covid-19.
Une étude menée par John M. Griffin, professeur de finance à l’Université d’Austin au Texas, estime à 75 milliards de dollars les pertes essuyées au niveau mondial entre janvier 2020 et février 2024.

« Cyber-esclaves »
Au fil du temps, tout un écosystème s’est formé autour de ce phénomène des escroqueries aux sentiments, et une panoplie d’outils pour faciliter la recherche et la tromperie de potentielles proies a vu le jour. Ces dernières ne sont d’ailleurs pas les seules victimes de cette fraude à grande échelle. Selon Interpol, de nombreux centres d’escroquerie – situés au Myanmar, au Laos ou encore au Cambodge – reposent sur le travail forcé de victimes de trafic d’êtres humains, prises au piège après avoir été attirées par de fausses offres d’emploi.

« Si elles ne le font pas, elles subissent des tortures physiques ou psychologiques ou, dans de nombreux cas, sont vendues à d’autres groupes en tant que « cyber-esclaves »», explique l’Institut des Etats-Unis pour la paix dans un récent rapport. Sur Huione Guarantee, leurs tortionnaires peuvent se procurer tout ce dont ils ont besoin pour les asservir, selon Elliptic, qui a identifié « des publicités pour des gaz lacrymogènes, des matraques électriques et des dispositifs qui provoquent une décharge électrique si la personne quitte une zone prédéterminée. »

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