C’est la débandade dans la crypto. En un jour, le bitcoin a perdu 7 % à 54.200 dollars, accentuant sa chute hebdomadaire à 12 %, sa pire semaine depuis la faillite de la plateforme FTX en novembre 2022. Et quand la reine des cryptos tousse, le secteur s’enrhume toujours : -16 % pour l’ether en une semaine (2.800 dollars), -19 % pour le BNB, -14 % pour le solana et -24 % pour le dogecoin…

Les traders ont ainsi vu plus de 800 millions de dollars effacés au cours des trois derniers jours. C’est l’une des liquidations les plus importantes depuis avril, selon Coinglass, alors que, selon un analyste, le secteur oscille entre actualités baissières, attentisme et « manque de buzz ».

Le fantôme de Mt. Gox
La chute des prix est survenue après que le liquidateur de la Bourse déchue Mt. Gox a déplacé, jeudi soir, 47.229 bitcoins – soit 2,6 milliards de dollars – d’un portefeuille à un autre, selon le tracker Arkham Intelligence. Ce transfert correspond au début du remboursement des clients victimes de la plateforme. Mt. Gox avait annoncé que les créanciers se verraient restituer les 142.000 bitcoins perdus à partir de ce mois de juillet, soit 7,6 milliards de dollars au cours actuel de la crypto.
Contrairement à la chute brutale et inattendue de FTX en 2022 (un « cygne noir » dans le jargon des marchés), la liquidation des avoirs de Mt. Gox – aussi importante soit-elle – est ce qu’on appelle un « cygne blanc » : l’événement avait été maintes fois annoncé, et était attendu. En cela, le décrochage soudain des cours peut étonner.
Mais pour les professionnels, les traders anticipent juste la liquidation des avoirs, et ce premier transfert a donné le coup d’envoi. Il est assez probable que les créanciers de Mt. Gox, une fois remboursés, convertiront leurs bitcoins en dollars sonnants et trébuchants, la valeur de leur portefeuille ayant quasiment… centuplé depuis la chute de Mt. Gox en 2014. Les premiers bitcoins devraient arriver dans leur « wallet » d’ici 90 jours via Kraken, 60 jours avec Bitstamp et 20 jours pour BitGo.

Vendra, vendra pas ?
« Je ne pense pas que les clients, après avoir tenu autant d’années et choisi de recevoir des bitcoins plutôt que du liquide, ne décident de vendre d’un seul coup », avait estimé l’ancien patron de la plateforme, Mark Karpelès, auprès des « Echos », anticipant un effet limité sur les marchés. Or, fin mai, quand Mt. Gox a réalisé de premiers transferts, le bitcoin a immédiatement cédé 3 % .
D’autres facteurs exercent une pression à la baisse, selon les analystes. La demande pour les ETF sur le bitcoin au comptant aux Etats-Unis, locomotive du marché depuis janvier , commence à s’essouffler, avec plusieurs journées de décollecte ce mois-ci. Aussi, l’Allemagne a transféré 50.000 bitcoins saisis en début d’année par la justice, faisant planner le spectre d’une autre cession massive qui impacterait le cours, alors que les Etats-Unis ont, eux aussi, bougé 30.175 bitcoins récemment.

Fed, Biden et SEC, une équation à 3 inconnues
Enfin, les traders s’impatientent sur plusieurs fronts. Monétaire : la Réserve fédérale américaine n’envisage toujours, à ce jour, qu’une seule baisse de taux pour 2024. Politique : l’élection présidentielle américaine est plus qu’incertaine, entre un Donald Trump pro-crypto et un Joe Biden finalement plus conciliant pour le secteur, mais dont l’état de santé sème le doute . Réglementaire : l’approbation des ETF spot sur ether , retardée par le gendarme boursier (SEC), est attendue mi-juillet, mais selon Gemini, elle ne générera « que » 5 milliards de dollars de collecte en six mois – pas de quoi tirer le marché comme les ETF bitcoin.
Pour ne rien arranger, plus le bitcoin baisse et plus les mineurs – dont les récompenses ont été divisées par deux en avril – vendent leurs stocks pour financer leur activité (en monnaie fiduciaire), exerçant une pression à la baisse. De ce fait, ils créent aussi moins de pièces, d’autant que certains allouent désormais une part croissante de leurs capacités de calcul à la plus rentable intelligence artificielle . Bref, de tous ces indicateurs, le marché attend qu’au moins l’un d’eux passe enfin au vert.

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