La France, un marché clé pour les grandes chaînes de restauration… américaines. L’idée que des fast-foods aient fait du pays de la gastronomie une de leurs priorités pourrait paraître saugrenue, mais c’est pourtant la réalité.

Pour rappel, il avait fallu attendre douze ans entre l’ouverture en France du premier restaurant du clown Ronald, en 1979, et le premier KFC en 1991. Mais « aujourd’hui, l’annonce d’une nouvelle grande chaîne de restauration est presque devenue une banalité, à un rythme parfois inférieur à tous les deux ans », constate Bernard Boutboul, président de Gira Conseil, spécialisé dans la consommation alimentaire hors domicile.

Dix ans d’accélération
A l’image de Dunkin’, le géant américain du donut et du café, qui a annoncé, la semaine dernière, son intention d’ouvrir son premier point de vente à Paris début 2025. Soit à peine plus d’un an après son concurrent direct, Krispy Kreme, le premier spécialiste des beignets troués à avoir ouvert un magasin au coeur de la capitale, juste sous la canopée des Halles, en décembre 2023.
Les experts font remonter cette accélération à 2014. Deux ans après le grand retour de Burger King – le spécialiste du burger au steak grillé à la flamme avait quitté la France en 1997 faute de rentabilité -, Steak ‘n Shake et le spécialiste du burrito Chipotle posent également leurs valises dans l’Hexagone. Puis c’est au tour de Five Guys (2016), Carl’s Jr. (2018) et enfin du géant du poulet frit Popeyes, en 2023.
La déferlante fait des émules. La troisième chaîne de fast-food des Etats-Unis, Wendy’s, aux 7.000 restaurants dans le monde et connu pour ses steaks carrés, déclarait fin 2023 à BFM Business chercher « activement à exploiter [son] modèle de franchise pour entrer dans divers marchés européens à l’avenir, dont la France ». Enfin, depuis plusieurs années déjà, l’enseigne new-yorkaise Shake Shack laisse courir la rumeur selon laquelle elle viendrait s’installer au pays du fromage.

De la pop culture américaine
Mais alors, comment expliquer une telle attirance des chaînes américaines pour un marché français de la restauration pourtant réputé difficile ? Pour Bernard Boutboul, le succès de McDonald’s, « premier restaurant du pays », n’y est pas étranger.
Surtout, c’est là où le ticket moyen par repas, compris entre 12 et 13 euros, est le plus élevé dans le monde pour McDonald’s. Enfin, le géant américain a montré à ses concurrents que le marché français lui avait permis d’être innovant. « C’est en France qu’il a changé son enseigne en passant d’un fond rouge à un fond vert, rappelle le président de Gira Conseil. C’est aussi l’Hexagone qui a vu naître le McCafé, déployé ensuite dans le reste du monde, ou encore les salades sur mesure. »
Autre explication à cette avalanche de nouvelles enseignes américaines : elles débarquent en terrain conquis. « La culture américaine est très appréciée en France, que ce soit la musique, les films ou encore le ‘lifestyle’», note Michael Ballay, directeur associé de Food Service Vision.
« C’est un petit bout de pop culture américaine que je vends au travers des donuts », reconnaît Alexandre Maizoué, directeur général France de Krispy Kreme. Il faut dire que les beignets apparaissent souvent dans les séries télé américaines, comme la sitcom policière « Brooklyn Nine-Nine », « Les Simpson » ou même la télé-réalité des Kardashian. Désormais, « si vous arrivez au bureau ou à la maison avec une boîte de 6 beignets, vous passer pour un héros », assure le dirigeant.

La GenZ, cette génération née entre 1997 et 2000, est très exposée et très sensible à cette pop culture mais aussi aux réseaux sociaux où ces enseignes multiplient leur présence. Or, c’est une génération « très paradoxale », juge Bernard Boutboul, tant elle est capable de « manger un gros burger le midi et d’aller à la salle de sport le soir ». Mais elle est aussi capable d’apprécier la cuisine traditionnelle de ses grands-parents et, le lendemain, d’aller manger du poulet frit chez Popeyes, ajoute le spécialiste.

Exigence de qualité
Les chaînes américaines ont également fait beaucoup d’effort « pour venir capter le marché français », constate Michael Ballay. Il en veut pour preuve le travail de McDonald’s ou encore de KFC pour sourcer leurs produits le plus possible en France.
« Une des spécificités françaises est l’exigence de qualité, c’est l’une des plus fortes au monde. Mais il y a aussi un besoin de diversité, or les burgers sont un support idéal pour la créativité », ajoute le spécialiste.

Selon lui, lorsqu’elles arrivent en France, ces enseignes élèvent globalement leur curseur de qualité. Il n’y a qu’à voir les réactions d’étrangers à Paris lorsqu’ils testent une version française d’une chaîne américaine.
Enfin, la tradition culinaire en France est très axée sur le plaisir et, à l’heure des arbitrages dans le pouvoir d’achat, ces enseignes deviennent aussi une sortie familiale le week-end.

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