C’est la nouvelle qui amuse la presse ce jeudi : vous pourrez, d’ici la fin du mois de juillet, acheter une Ferrari en cryptomonnaies. Les devises numériques acceptées n’ont pas encore été dévoilées et, contactée, la marque n’a pas répondu à nos sollicitations.

Aux Etats-Unis, la marque italienne avait annoncé en octobre 2023 accepter le bitcoin, l’ether et l’USDC (indexé sur le dollar) avant de s’ouvrir, au mois de février, au dogecoin – une crypto parodique (« memecoin »)… à l’image d’un chien, et portée aux nues par Elon Musk . Ferrari étendra le dispositif d’ici fin 2024 à d’autres revendeurs de son réseau international, dans les pays où les cryptomonnaies sont légalement acceptées, précise la marque dans un communiqué.

Un outil clés en main pour les concessions
Cette arrivée sur le marché européen « fait suite au lancement réussi de ce système de paiement alternatif aux Etats-Unis il y a moins d’un an », explique d’ailleurs Ferrari, sans toutefois apporter le détail des ventes. Outre-Atlantique, la marque s’appuie sur BitPay, un partenaire de paiement réputé qui se charge des transactions et convertit les bitcoins, ethers ou USDC en dollars afin que les concessionnaires n’aient pas à gérer ces devises qui peuvent leur apparaître délicates à stocker (dans des portefeuilles numériques), à comptabiliser dans leur bilan, ou à déclarer aux impôts.

Et en Europe ? Le partenaire de paiement retenu n’a pas été annoncé mais Ferrari confirme que « les concessionnaires pourront accepter les paiements sans avoir à gérer directement les cryptos, qui seront immédiatement converties en monnaie traditionnelle ». Ceci, afin « de vérifier l’origine des fonds » et de protéger les concessionnaires « contre les oscillations des prix liées aux taux de change ». A ce jour, la plupart des concessionnaires européens de Ferrari ont déjà adopté ou sont en train d’adopter ce nouveau système de paiement, qui s’ajoute aux systèmes traditionnels.

« Transformez votre crypto en métal précieux »
Cette annonce étonne alors que Tesla lui-même a renoncé au paiement en bitcoins en mai 2021, son patron – pourtant pro-crypto – invoquant la consommation électrique des mineurs de bitcoins (ces serveurs utilisés pour fabriquer les pièces). Même si en mars dernier, Elon Musk a annoncé que la marque de voitures électriques s’ouvrait aux dogecoins – faisant grimper la devise de 10 %.
Pour Antoine Trubert, analyste senior chez Culture Patrimoine, cette annonce de Ferrari vise avant tout à « séduire une clientèle de nouveaux riches, qui ont fait fortune en cryptos ». Un coup de communication déjà adopté par un concessionnaire Porsche aux Etats-Unis, qui promet ainsi sur son site web : « Transformez votre crypto volatile en métal précieux ici chez Porsche Towson. »

Une certaine idée du coup parfait
Mais pour le client, acheter une Ferrari en bitcoins, n’est-ce pas une façon d’échapper à l’impôt ? Si vous achetez pour 100.000 euros de bitcoins, que son cours double et que votre portefeuille atteint 200.000 euros, vous aurez sans doute envie de les convertir en euros pour bénéficier de vos gains dans la vie réelle, en achetant de l’immobilier ou autre. Or, en France, « sortir » ses cryptos est un fait déclencheur de fiscalisation : vos 100.000 euros de plus-value seront assujettis à la « flat tax » de 30 % (12,8 % d’impôt et 17,2 % de prélèvements sociaux). Mais dans le cas où vous achetez directement une Ferrari en bitcoins ?
La question est d’autant plus brûlante qu’acheter une Ferrari (entre 200.000 et 500.000 euros, hors options et malus écologique), est souvent une opération neutre. Vous pouvez en théorie la revendre dans la foulée sans perdre d’argent, voire en réalisant une plus-value. Par exemple, la Ferrari 296, l’un des derniers modèles affichés à 315.000 euros au catalogue Ferrari, oscille entre 329.000 et 489.000 euros sur Leboncoin. De quoi « sortir » ses bitcoins et ethers sans risque ?

Impossible de doubler le fisc ?
Eh bien non. « Payer une Ferrari en cryptomonnaies ne permet pas d’éviter l’impôt en France, car l’achat d’un bien avec des cryptos est considéré comme une vente de ses actifs, déclenchant ainsi une imposition sur la plus-value réalisée. Dans le cadre de la déclaration d’impôt sur le revenu, vous devez déclarer le montant immobilisé pour payer la voiture : si vous avez acquis des cryptos pour 10 euros et que vous les utilisez pour acheter une voiture à 100 euros, vous devez déclarer une plus-value de 90 euros », tranche Gwendal Chatain, avocat associé chez Taylor Wessing.

Aussi, les transactions en cryptomonnaies, y compris celles impliquant des actifs de luxe comme les voitures, sont surveillées par les autorités fiscales. En effet, les plateformes d’achat et de vente de cryptos (PSAN) enregistrées à l’Autorité des marchés financiers, comme Binance ou Coinbase, et sur lesquelles vous avez peut-être réalisé de juteux bénéfices, sont tenues de transmettre ces informations à l’administration fiscale. Bref, même une « crypto Ferrari » ne peut doubler le fisc.

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