Prudence, défiance, réticence… Un triptyque qui a, longtemps, jalonné le quotidien des dirigeants au moment d’appréhender les problématiques en lien avec l’intelligence artificielle (IA) . Un tiercé auquel il conviendrait d’ajouter la méfiance tant certains responsables semblent avoir repoussé le moment fatidique où il faudrait composer avec cette technologie.

Ce tableau n’a désormais plus lieu d’être tant l’IA s’est imposée dans le paysage et n’a plus rien de la « hype » ou de la tendance du moment que beaucoup lui promettaient. Désormais incontournable, l’IA a vocation à mettre de l’huile dans les rouages de l’organisation.
A commencer, via son entremise, par un gain de productivité non négligeable. En effet, de nombreuses études et autres rapports émanant de cabinets comme McKinsey ou BCG tablent, peu ou prou, sur un gain de l’ordre de 30 %. Un chiffre repris à son compte par Romain Rabier, fondateur de Smart Leaders, structure dont la ligne directrice vise à apporter des leviers de compétitivité durable aux organisations.

Temps gagné
Architecte d’une étude intitulée « IA génératives en entreprise : passez du buzz à l’action », Romain Rabier trace des pistes de réflexion pour mettre à profit ce gain de productivité et, de facto, ce temps gagné. Il évoque notamment la possibilité, pour l’entreprise, de « muscler son jeu » sur les thématiques estampillées RSE.

« Je pense qu’il serait intéressant de consacrer plus de temps à ces thématiques stratégiques pour l’entreprise tant leur importance est proportionnellement inverse au volume de personnes qui s’y consacrent pleinement au quotidien. » Un postulat partagé par le cabinet Twelve Consulting, qui a développé une formation dispensée « du stagiaire jusqu’au président » sur les enjeux et l’utilisation de l’IA au quotidien.

Ainsi, Twelve Consulting souhaite également utiliser l’IA générative à bon escient, comme le décline Markus Geier, un de ses associés. « Nous ne voulions pas avoir recours à l’IA générative pour réduire le temps que nous allions passer sur des tâches chronophages, mais plutôt comment, dans le même laps de temps, réussir à créer de la valeur ajoutée pour nos clients. »

Les profils juniors « en danger » ?
Néanmoins, le rapport diligenté par Smart Leaders met en exergue la possibilité de recourir à des IA génératives pour « remplacer l’humain » sur ces fameuses tâches dites « chronophages ». Les requêtes sur des outils d’IA générative relatives à l’assistance technique et au dépannage se chiffrent à 23 %, devançant d’une courte tête la création et l’édition de contenus (22 %). Enfin, le taux de requêtes concernant le « soutien personnel et professionnel », selon la terminologie consacrée (mises à jour de CV, conseils de carrière, argumentaires pour bien négocier) avoisine les 17 %.
Diverses tâches qui échoient souvent à des profils juniors dans l’entreprise. Dès lors, ces derniers sont-ils susceptibles de voir leur périmètre se restreindre encore davantage ? Aux yeux de Romain Rabier de Smart Leaders, deux logiques vont s’affronter.
« Soit, vous automatisez vos processus avec le concours de l’intelligence artificielle dans une démarche de gain de productivité et de rentabilité, ou alors l’entreprise et ceux qui la dirigent se sentent investis d’un devoir de transmission aux nouvelles générations. » Cependant, ces deux logiques ne sont pas pour autant antinomiques et la première peut, comme mentionné en préambule, largement coexister pacifiquement avec la seconde.
Les outils d’intelligence artificielle ont vocation à accompagner et faciliter des procédures, et non pas à se substituer purement et simplement à elles. L’équilibre demeure donc la clé pour préserver la valeur ajoutée que peuvent représenter ces profils juniors. Et ils ont souvent pour atout de maîtriser avec une certaine maestria ces outils d’intelligence artificielle.

L’IA, pour « redessiner » le leader de demain ?
Du côté du leader, les cartes pourront également être rebattues, à en croire cette étude. « Les dirigeants et les managers doivent donc s’adapter en intégrant ces technologies dans leurs stratégies et décisions afin de rester compétitifs sur le marché, mais aussi en tant que leaders de leur organisation », abonde l’enquête.
« Il va falloir que le leader surtout assimile et comprenne l’impact que l’IA générative peut avoir sur son organisation plutôt que sur son propre quotidien », complète Markus Geir de Twelve Consulting. En outre, le dirigeant doit également prendre en considération qu’il évolue dans un monde où une partie de son expertise et de son leadership peut être améliorée, voire challengée par les outils d’intelligence artificielle « même si l’IA ne pourra jamais remplacer un leader qui parle et qui échange avec ses équipes », s’empresse de compléter Romain Rabier.
Des équipes, notamment parmi les plus jeunes , qui vont être de plus en plus exigeantes sur la façon d’être dirigées et managées. Dans un contexte incandescent de guerre des talents , faire l’impasse totale sur ces problématiques semble une hérésie.
Même si certains continuent, vaille que vaille, à repousser les assauts de l’IA, « dans un monde où tous les fondamentaux se fragilisent, il faut que les dirigeants soient en adéquation avec leur époque et réussissent à embarquer tout le monde. Ils doivent se réinventer et créer les conditions d’un projet commun, sinon, ils seront eux-mêmes en péril », prophétise le dirigeant de Smart Leaders.

Un entêtement qui pourrait accélérer purement et simplement l’obsolescence programmée du dirigeant.

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