Principal label de la trajectoire climatique des entreprises, la SBTi (pour « Science Based Target initiative ») pourrait finalement résister à la pression des promoteurs des marchés carbone. Un peu plus de trois mois après la vive polémique suscitée par son conseil d’administration, qui avait pris position en faveur des crédits carbone, l’organisation a jugé mardi dans un rapport que « de nombreux types de crédits carbone sont inefficaces », et présentent même des « risques » de ralentir la décarbonation des entreprises.

Utilisée dans le monde entier par plus de 5.500 entreprises pour labelliser la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre, la SBTi avait été accusée de favoriser le « greenwashing » en avril dernier, lorsque son conseil d’administration a annoncé vouloir autoriser l’utilisation de crédits carbone par les entreprises pour compenser leurs émissions. Or l’utilisation de tels crédits carbone, générés par le financement de projets permettant d’éviter des émissions ou d’absorber du CO2 (des opérations de reboisement, par exemple), est fortement controversée.

Aucun effet sur le climat
D’une part, parce que le plus souvent, les projets concernés ne délivrent pas leurs promesses. Une enquête du quotidien britannique « The Guardian » a ainsi montré par exemple que 90 % des crédits carbone d’un gros acteur de la compensation dans le monde n’ont en réalité eu aucun effet sur le climat. Par ailleurs, le recours à une telle compensation détourne les entreprises des efforts de transformation nécessaires pour parvenir à la neutralité carbone.
« S’appuyant sur la littérature existante traitant de l’efficacité des crédits carbone, le rapport que vient de publier la SBTi montre que ces défauts sont bien avérés pour certains types de crédit carbone », explique César Dugast, du cabinet Carbone 4.
Après la polémique d’avril, ce rapport était très attendu. Car il doit servir de base aux nouveaux standards sur lesquels la STBi est en train de travailler. « Il serait bizarre que la proposition de standards mise en consultation aille à l’encontre de ces conclusions », espère Gilles Dufrasne, de l’ONG Carbon Market Watch, qui se réjouit que les équipes techniques de la SBTi se soient opposées à l’opinion de son conseil d’administration.
Les détracteurs des crédits carbone n’ont pas pour autant gagné la bataille. « Nous sommes à un moment où tout peut basculer, avec deux camps en présence », relève César Dugast. Certaines grandes entreprises ou des acteurs de la compensation carbone ont intérêt au développement des crédits carbone – dont certains acteurs comme le Bezos Earth Fund financent la SBTi.
Selon le « Financial Times », ce dernier aurait même coordonné une réunion avec le conseil d’administration de la SBTi sur les crédits carbone, juste avant l’annonce d’avril. Dans ce contexte, le patron de la SBTi, Luiz Amaral, a annoncé début juillet qu’il démissionnait pour des raisons personnelles.

Crédibilité de la démarche
Le tollé suscité depuis, auprès des scientifiques, des ONG, ou même du personnel de la SBTi, pourrait toutefois avoir fait pencher la balance dans l’autre sens, comme semble le montrer le rapport publié mardi. « De nombreux acteurs de la finance, ainsi que des entreprises parmi les plus vertueuses, estiment aussi que l’autorisation des crédits carbone nuirait à la crédibilité de leur démarche », assure César Dugast.
La SBTi a été fondée en 2015, dans la foulée de l’Accord de Paris, par le Pacte mondial des Nations Unies, le WWF, le World Resources Institute et le Carbon Disclosure Project (CDP). Son nouveau référentiel est attendu pour 2025.

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