La France a-t-elle les moyens de ses ambitions en matière de transports, tout particulièrement sur les questions de décarbonation et de report modal vers les solutions peu émettrices de CO2 ? La période actuelle vient sérieusement contredire les ambitions affichées hier. Successivement à travers la loi d’orientation sur les mobilités (LOM) promulguée en décembre 2019, puis le « plan à 100 milliards » en faveur du ferroviaire, et enfin des multiples projets de SERM, ces « RER métropolitains » qui attendent un engagement sonnant et trébuchant de la puissance publique.

Symbole des difficultés à faire jouer l’« effet de ruissellement » tant attendu par les professionnels : le budget de l’Afit France (Agence de financement des infrastructures de transport), qui devait en toute logique augmenter cette année d’environ un milliard d’euros, pour financer de multiples projets dans l’Hexagone… se trouve pris dans les méandres politiques actuels.

Budget théorique en hausse
En début d’année, l’Agence étatique pouvait compter sur un budget théorique de 4,6 milliards d’euros à dépenser dans les différents modes : une hausse sans précédent par rapport aux 3,6 milliards exécutés courant 2023 et aux 3,2 milliards de 2022. La grande majorité étant fléchée vers les modes alternatifs à la route. Or désormais, « on sait que l’Etat va serrer la vis, le nouveau gouvernement va certainement apporter sa touche, mais nous n’avons que des rumeurs et pas de chiffres », avance Franck Leroy, président de l’Afit France depuis mars dernier, en remplacement de Patrice Vergriete, parti au ministère des Transports, pour encore quelques jours.
« Ce n’est pas nous qui définissons la trajectoire. Le budget de l’Afit n’a fait que croître ces dernières années, son rôle est avant tout de tenir les engagements pris par l’Etat, engagements contractuels pris souvent 8 ou 10 ans plus tôt », explique l’homme politique (ex-Horizons) qui préside par ailleurs la région Grand Est. De fait, les incertitudes sur l’exécution des sommes exactes, pour financer tel ou tel projet, ne date pas d’aujourd’hui.
Depuis plusieurs mois, Bercy avait déjà préparé dans un cadre plus large un tour de vis pour le budget de l’Afit, adopté en début d’année, budget assis sur différentes taxes faciles à mobiliser ailleurs. Puis la dissolution a mis à mal ce projet, et l’agence publique attend désormais sa nouvelle feuille de route, via la loi de finances rectificative pour 2024. Or elle ne sera pas connue à bref délai dans le contexte politique que l’on sait, avec des finances publiques plus tendues que jamais.

Démarrage du plan à 100 milliards
Avec beaucoup d’hypothèses budgétaires non confirmées à court terme, le brouillard grandit, notamment pour le démarrage du plan à 100 milliards en faveur du ferroviaire d’ici à 2040, promis par Elisabeth Borne en février 2023. Pendant ce temps, les chantiers abondent, comme la future ligne de TGV Bordeaux-Toulouse, les accès au futur tunnel ferroviaire Lyon-Turin, le canal fluvial Seine-Nord-Europe ou les RER métropolitains. Si Bruxelles apporte son écot à de tels grands programmes d’infrastructures, l’Etat est logiquement forcé de suivre… quitte à gagner un peu de temps.
Cet attentisme budgétaire cadre mal avec la frénésie de nouvelles ressources de l’Afit, grandement élargie ces dernières années. Dernière trouvaille en date, la taxe « sur les infrastructures de transport de longue distance », acquittée par les grandes sociétés d’autoroutes et à un degré moindre par les six aéroports du pays. Récemment validée par le Conseil constitutionnel, elle rapportera 600 millions d’euros dès cette année.

Les ressources élargies
Sur la période 2015-2021, les ressources de l’Afit étaient exclusivement issues du mode routier (péages, carburants…). Puis au fil du temps, l’imagination de l’exécutif s’est sensiblement débridée en la matière – toujours au nom de la décarbonation des modes de transport – pour s’élargir à une première contribution sur les billets d’avion en 2022, à une partie de la manne des radars automatiques, ou encore à la TICPE sur les maisons chauffées au fioul domestique.
Tous les élus locaux de l’Hexagone associés aux 24 projets de RER métropolitains, labellisés à la hâte en juin-juillet par le ministère des transports, sans que cela ne coûte un euro à l’Etat, aimeraient maintenant voir la couleur de l’argent, pour passer au concret.

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