L’immobilier est une véritable mine d’or pour l’Etat et les collectivités locales. Au total, ce ne sont pas moins d’une quarantaine d’impôts et de taxes en tous genres qui sont prélevés sur la pierre pour une collecte annuelle de 90 milliards d’euros.

Une véritable manne, dont les communes sont les grandes bénéficiaires et dont une catégorie de contribuables est en train de devenir le principal, si ce n’est l’unique, contributeur : les propriétaires.
L’arrivée dans les boîtes aux lettres ces jours-ci des avis de taxe foncière en apporte une nouvelle preuve. Cette année encore, la facture de cet impôt payé chaque automne par les possesseurs d’appartements ou de maisons va enfler. Pas de manière uniforme sur tout le territoire, puisque les maires peuvent en moduler le taux, mais sans coup férir ou presque.
En moyenne, elle augmentera de 4 % au minimum cette année, après avoir grimpé de près de 5 % en 2022 et de plus de 9 % l’an dernier. Sur la décennie écoulée, censée être celle de la stabilité fiscale dans le pays, sa hausse cumulée aura atteint 30 %. Résultat : la taxe foncière rapporte aujourd’hui une quarantaine de milliards, soit l’équivalent de la moitié des recettes de l’impôt sur le revenu. Et aucune pause n’est en vue, bien au contraire, pour deux raisons.

Nouvelles hausses programmées
La première est liée à une réforme votée en 2020, dont l’objectif louable est de corriger une véritable anomalie . Il s’agit de remettre à niveau la valeur locative théorique des habitations, le principal déterminant de la taxe foncière sur lequel s’applique le taux décidé par chaque commune. Une opération qui n’a pas été effectuée depuis un demi-siècle !
Chaque année, l’évolution de cette valeur est bien indexée sur l’inflation – ce qui explique d’ailleurs une bonne partie de la hausse de 2023 dans le sillage de la flambée des prix -, mais elle ne reflète plus la réalité du marché locatif, qui a progressé beaucoup plus vite depuis les années 1970.
Cette actualisation prévue en 2028 se traduira à coup sûr par un fort rebond de la taxe foncière pour une partie des propriétaires. Les possesseurs de logements anciens en ville, dont la valeur est très décotée, devraient être les plus pénalisés. Les appartements et maisons datant d’avant 1920 pourraient même subir des révisions supérieures à 20 % de leur valeur locative. De quoi inquiéter tout particulièrement les bataillons de propriétaires parisiens et des plus grandes métropoles.

Dindons de la farce
Si les propriétaires sont condamnés à devenir les dindons de la farce de la fiscalité locale, c’est aussi et peut-être surtout pour des raisons liées à la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales . Historiquement, locataires et propriétaires se partageaient l’essentiel de la pression fiscale immobilière par le biais de la taxe d’habitation payée par les premiers et la taxe foncière à la charge des seconds. Mais avec la quasi-disparition de la taxe d’habitation, l’une des promesses phares de la campagne présidentielle 2017 du candidat Macron, les possesseurs d’appartements et de maisons se retrouvent seuls ou presque face aux collectivités locales. Un tête-à-tête qui risque de leur coûter très cher.
La réforme Macron ne s’est pourtant pas faite au détriment des collectivités locales. L’Etat leur a octroyé des recettes équivalentes à celles que leur versaient les locataires (23 milliards d’euros) et tout aussi dynamiques dans le temps. Mais il a mécaniquement réduit le champ des impôts à la main des élus locaux, ceux sur lesquels ils peuvent agir à leur guise. Cette part se limite désormais à 40 % de leurs revenus fiscaux et se concentre pour l’essentiel sur les taxes foncières et les impôts de production payés par les entreprises, sachant que ces derniers ont baissé dans le cadre de la politique de l’offre.

Un piège parfait
Dans ces conditions, les propriétaires se retrouvent pris au piège. Face à des communes, dont les besoins de financement ne cessent de progresser – leurs dépenses de fonctionnement ont encore augmenté de 7 % sur les sept premiers mois de l’année -, ils apparaissent comme des victimes désignées, à la fois captives et a priori solvables. Par conséquent, un nombre croissant de villes majorent leur taux de taxe foncière pour boucler leur budget.
Plus d’un quart des agglomérations de plus de 100.000 habitants ont encore opté pour cette solution cette année. Dans certaines communes aux finances dégradées, comme Paris , la progression est tellement forte qu’elle a effacé le bénéfice pour les contribuables propriétaires de la disparition de la taxe d’habitation… A cela s’ajoute dorénavant la faculté donnée aux communes où il est difficile de se loger de surtaxer les propriétaires de résidences secondaires présents sur leur territoire. Une pratique en plein essor.

On peut évidemment trouver cela normal. Après tout, les ménages propriétaires ne sont pas les contribuables les plus modestes. Mais dans un pays où l’on déplore une crise historique de la construction, alors même que le stock de logements existant est de l’avis général insuffisant, il y a quelque chose de paradoxal à pénaliser les propriétaires.

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