De trophée arraché de haute lutte à leurs compétiteurs sur le sol américain, le prêt de 13 milliards de dollars accordé à Elon Musk pour le rachat du réseau X vire au fardeau pour BNP Paribas et Société Générale, les deux banques françaises qui se sont associées à cinq autres prêteurs anglo-saxons et japonais. Avec Morgan Stanley, Bank of America, Barclays, MUFG et Mizuho, elles se retrouvent « collées » depuis maintenant deux ans, avec le financement à leur bilan sans pouvoir le revendre. Une durée sans précédent dans l’histoire du LBO (acquisition financée par la dette) depuis la grande crise financière de 2008.

D’où un coût en capital et des risques de pertes potentielles croissants avec la remontée des taux, depuis que la transaction a été « pricée » en octobre 2022. Au printemps 2023, Bloomberg estimait que les pertes pour l’ensemble des banques sur ce crédit pourraient s’élever à 4 milliards de dollars , contre 500 millions de dollars en octobre de l’année précédente. Et ce bien qu’Elon Musk a procédé à plusieurs remboursements en tranches de 300 millions de dollars sur la totalité de ses prêts.

La BCE aux aguets sur les LBO
En soi, les deux banques françaises sont nettement moins exposées que les banques anglo-saxonnes. A l’annonce en 2022, BNP Paribas avait prêté pour 1,4 milliard de dollars. Une des deux lignes de crédit portées par la banque française a été annulée, et le groupe, qui n’a pas voulu commenter, serait à ce jour exposé à hauteur de 5% des 13 milliards de dollars, soit 650 millions de dollars.
Toutefois, le sujet tombe mal au moment où la Banque centrale européenne menace les institutions financières de l’Union de surcharge en capital en cas de surexposition aux prêts à hauts risques. BNP Paribas, en particulier, fait partie des noms d’acteurs cités dans le viseur de la BCE.
A fin juin, le groupe bancaire, qui n’a voulu faire aucun commentaire sur ce dossier, classait dans les expositions « à des secteurs sensibles », donc plus à risque, quelque 13,1 milliards d’euros de prêts à effet de levier (0,7 % des engagements bruts). Ce montant s’est nettement contracté sur deux ans (18,4 milliards d’euros à fin 2022, soit 0,9 % des engagements bruts de la banque), même s’il a crû depuis la fin de l’année dernière (12,7 milliards d’euros).
Le financement accordé à Elon Musk apparaît toutefois élevé au regard des pratiques du groupe pour un dossier de LBO. Le montant moyen accordé par la banque est en général de 12 millions d’euros (ou le double en prenant un périmètre élargi), d’après son dernier rapport annuel. BNP Paribas indique aussi avoir plus que doublé ses encours LBO en défaut fin 2023, à 762 millions d’euros, par rapport à l’année précédente. Ses provisions ont crû dans le même temps pour atteindre 156 millions d’euros.

Société Générale réduit son exposition
Société Générale, de son côté, a prêté pour 875 millions de dollars à Elon Musk en 2022. Selon des sources, l’exposition de la banque au réseau X aurait diminué de plus de la moitié depuis le « deal ».
En fin d’année dernière, Société Générale indiquait, dans son rapport annuel, « apporter une attention particulière au sous‑portefeuille des ‘leveraged buy‑out’ (LBO) ainsi qu’au segment des transactions à haut niveau de levier (‘highly leveraged transactions’) ». Le groupe comptabilisait à fin juin 5 milliards d’euros (0,4 % de ses engagements) de prêts LBO, également classés, comme chez BNP Paribas, dans les secteurs « sensibles ». Société Générale n’a pas voulu commenter la situation.
Selon un proche du dossier, à ce jour, « il n’y a pas de perte enregistrée sur le dossier X, ni de défaut de paiement, et cela n’empêche pas la banque de financer d’autres acteurs du LBO ». Mais « la situation X est suivie de très près ».

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