Après les incertitudes des années de la crise sanitaire, la voie est libre pour les constructeurs ferroviaires et leurs très nombreux sous-traitants. Tous présents ou presque au vaste Salon InnoTrans de Berlin cette semaine, ils affichent un certain optimisme pour leurs carnets de commandes dans les années à venir.

Entre la période 2021-2023 et les années 2027-2029, le marché mondial des transports par rail devrait progresser de 3 % par an en termes réels, selon la toute dernière étude de l’Union des industries ferroviaires européennes (Unife), qui se réjouit de ces « prévisions positives pour le reste de la décennie ». Sur la période 2021-2023, la croissance moyenne était de l’ordre de 2,7 % l’an.
Le marché mondial des matériels (trains, tramways, métros) profite aussi bien de la hausse de la demande que de la transition énergétique. « L’évolution positive du marché des équipements ferroviaires est due à plusieurs facteurs, notamment l’urbanisation, la numérisation et la durabilité », analyse la fédération européenne.

Instabilité géopolitique
En incluant les matériels roulants, mais aussi des équipements multiples comme la signalisation ou divers systèmes numériques de pilotage du réseau, les perspectives sont donc très favorables, en dépit de l’instabilité géopolitique grandissante. « Malgré les défis mondiaux, le secteur devrait progresser de plus de 40 milliards d’euros par an d’ici à 2029 », ajoute le cabinet Bain, qui a participé à l’étude de l’Unife, laquelle porte sur 66 pays et 99 % du trafic ferroviaire mondial.
La direction d’Alstom anticipe, elle, un marché mondial potentiel supérieur à 230 milliards d’euros pour les trois prochaines années, dont 107 milliards d’euros de contrats à discuter rien qu’en Europe. Ce qui l’autorise à une certaine sélectivité dans ses prospections commerciales. D’autant que la production dans ses usines est actuellement dans une phase de plateau, après une forte montée en régime l’an dernier, selon Henri Poupart-Lafarge, directeur général du groupe français.
L’Unife table, quant à elle, sur une taille de marché de 240,8 milliards d’euros à la fin de la période (2029). Soit « plus de 10.000 futures commandes de projets ferroviaires », en agrégeant les investissements entièrement nouveaux, les remplacements de matériel et la modernisation des équipements.
L’Europe restera en pointe dans tous ces développements attendus, selon les experts. Les rames automotrices électriques, les infrastructures de métros légers, les systèmes embarqués ou au sol, le système européen de gestion du trafic (ERTMS) en plein déploiement, sont autant de vecteurs favorables. Avec le développement des trafics internationaux par exemple, les trains de passagers longue distance en Europe devraient générer une demande de véhicules de +30 % sur la période 2023-2028, complète de son côté le cabinet allemand SCI Verkehr, spécialisé dans le ferroviaire et la logistique.

Le grand retour des trains classiques
Et là, surprise : la croissance devrait venir non pas des commandes de TGV, selon cette même source, mais de trains beaucoup plus conventionnels, avec une locomotive et des voitures passagers « passives », à l’image des antiques trains Corail Intercités en France.
« Cela s’applique particulièrement aux relations transfrontalières, car l’homologation des voitures et de la locomotive individuellement est nettement moins complexe que celle d’une unité multiple à grande vitesse », comme un TGV, un Eurostar ou un ICE allemand, ajoute SCI Verkehr. Néanmoins, en France, de nouveaux opérateurs privés (Proxima, Le Train, Ilisto…) devraient alimenter prochainement le marché de la grande vitesse domestique.
Outre l’allemand FlixTrain, qui a commencé ses services intérieurs avec des trains d’occasion classiques, une niche attendue en Europe est celle des trains de nuit. Typiquement des trains interurbains tractés par des locomotives, pour lesquels le cabinet germanique n’hésite pas à prédire « un taux de croissance annuel exceptionnellement élevé de +27,6 % d’ici à 2028 », soit un marché évalué à 365 millions d’euros à la même date. A condition que les constructeurs de véhicules, qui ne sont pas légion, arrivent à suivre la demande, pour l’instant tirée par l’Autriche.
Sur un segment totalement différent, celui des wagons de fret, « le marché européen, après un volume record de 1,9 milliard d’euros en 2023, est désormais aux prises avec les conséquences d’une économie faible et est confronté au défi de rétablir l’équilibre entre l’offre et la demande », note SCI Verkehr.

Au-delà des aspects conjoncturels, reste une préoccupation plus structurelle pour les constructeurs de matériels : le protectionnisme de certains pays, à commencer par l’immense marché chinois. « Pour les fournisseurs européens, l’accessibilité aux marchés mondiaux est actuellement de 59 % », déplore l’étude de l’Unife. Et chaque point de plus ou de moins en ce domaine se chiffre annuellement en milliards d’euros pour les firmes concernées.

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