Le premier émetteur de cryptostable (stablecoins), Tether (USDT) a enregistré un profit record de 5,2 milliards de dollars au premier semestre. Une prouesse pour une entreprise d’une centaine de collaborateurs, dont les effectifs devraient doubler en 2025. La société, qui se voit comme une crypto-tech, doit en grande partie ses bénéfices astronomiques à la Réserve fédérale (Fed) américaine et à sa lenteur à baisser ses taux. Une cryptostable adossée à la monnaie américaine comme Tether est une sorte de « dollar sur la blockchain ». Celui qui veut en obtenir dépose ses dollars chez un émetteur de stablecoins comme Tether qui lui donne en contrepartie ces quasi-dollars sous forme de crypto. Avec eux, il peut pénétrer le secteur des cryptos pour investir de manière bien plus aisée. Tether, qui détient des dollars en garantie de ses cryptos stables émises, les investit ensuite sur la dette d’Etat américaine, essentiellement de maturité inférieure à 90 jours (Treasury bill), afin de générer des profits.

Depuis 2023, le rendement du T-Bill a évolué entre 4,4 % et 5,4 %. Le groupe a ainsi profité des taux élevés aux Etats-Unis pour engranger des bénéfices de manière bien moins risquée que s’il était un fonds ou une firme de trading qui spéculait sur le marché. Avec un portefeuille d’obligations du Trésor américain (Treasuries) de près de 98 milliards de dollars, Tether est au 18e rang mondial des détenteurs de Treasuries, devant un pays comme l’Allemagne. Il a aussi investi de manière plus marginale sur l’or et le bitcoin.

Le Tether (USDT) pèse 119 milliards de dollars. C’est largement plus que ses concurrents, l’USDC de Circle (35 milliards), le DAI (5 milliards) et le First Digital USD (3 milliards). Sur les stablecoins, le leader Tether pèse 68 % du marché, un poids bien plus important que celui du bitcoin dans la capitalisation des cryptos (classiques), autour de 56 %. Malgré les polémiques, les ennuis judiciaires (amendes aux Etats-Unis) et les crises (FTX), Tether a conforté sa place de leader, en tenant à bonne distance ses concurrents. Pour tenter de gagner des parts de marché, certains d’entre eux décident de reverser une partie des intérêts qu’ils gagnent sur leurs placements obligataires à leurs utilisateurs. Tether s’y refuse.

Tether aussi indispensable que le bitcoin
L’entrée des Etats-Unis dans un nouveau cycle d’assouplissement monétaire va faire baisser les rendements des obligations du Trésor (Treasuries) et donc diminuer les profits des placements de Tether. La chute de ses bénéfices dépendra de l’ampleur des assouplissements monétaires de la Réserve fédérale. Tether pourrait toutefois se rattraper sur les volumes.

Les baisses de taux constituent un environnement favorable pour les actifs risqués en général et les cryptos en particulier. Le groupe pourrait ainsi enregistrer davantage d’activité de la part des traders et des investisseurs qui vont lui apporter leurs dollars pour récupérer des stablecoins qui leur serviront ensuite à acheter des cryptos.
Deux années et 9 mois de taux élevés (de 2022 à septembre 2024) ont permis au leader des émetteurs de stablecoins d’amasser des profits élevés, réinvestis pour partie dans le secteur des cryptos (minage de bitcoins…) mais pas seulement. Pour se diversifier, la société souhaite investir 1 milliard de dollars dans l’intelligence artificielle (IA), les biotechs et les fintechs (entreprises à mi-chemin des banques et de la tech) d’ici à l’été prochain.

Lancé en 2014, le deuxième plus ancien stablecoin après BitUSD a évité les tornades qui n’ont pas épargné son secteur, à l’image du TerraUSD , qui s’est effondré en 24 heures au printemps de 2022. Il est de loin le plus liquide et le plus traité, conservant donc la confiance des principales firmes de trading, fonds cryptos et plateformes. Tether reste un actif incontournable jouant le rôle de liquidités sur les marchés, pour tout l’écosystème financier des cryptos. Il s’estime diffamé et mal compris par la presse américaine qui voit en lui une cryptobanque de l’ombre qui a exploité tous les avantages des paradis fiscaux (îles vierges britanniques) pour échapper à la régulation. Il n’en demeure pas moins qu’à cause de son manque de transparence, il est très mal noté (4 sur 5) par l’agence S&P Global ratings pour sa capacité à maintenir son lien stable face au dollar.

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