Au secours, les taux rebaissent ! Les banques françaises ont souffert depuis deux ans de la remontée à marche forcée des taux d’intérêt déclenchée par la Banque centrale européenne (BCE) pour lutter contre l’inflation. Un mouvement qui vient à peine de s’infléchir.
Les établissements ont vu le coût de leurs ressources se renchérir, un coût qu’elles n’ont pu que très progressivement répercuter sur les taux des crédits accordés : à l’arrivée, les marges et les revenus se sont tassés. Et comme emprunter est devenu plus cher, la demande de crédits immobiliers a flanché. Il fallait sans doute en passer par là pour juguler l’inflation, mais le secteur bancaire français et son modèle de prêts à taux fixe en ont subi les conséquences.
A présent que la valse des étiquettes se calme, la BCE commence à faire marche arrière… mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, cela ne fait pas immédiatement le bonheur du secteur. Plus qu’un remède miracle, la baisse des taux va constituer un nouveau casse-tête.
Des erreurs de pilotage
Car, avec cette nouvelle donne monétaire, la période peut devenir porteuse (avec un effet de relance de l’économie), mais aussi très risquée. « Ce n’est pas tant le niveau des taux en tant que tel qui pose problème, on peut toujours s’adapter mais plutôt les moments de transition », expliquait récemment un grand banquier français. Ces périodes sont difficiles à décoder en raison de leurs effets multiples et parfois contradictoires sur le bilan de la banque. De quoi provoquer des erreurs de pilotage et autres effets inattendus.
Que les taux montent ou qu’ils baissent, les banques tentent généralement de limiter l’impact de ces mouvements, voire de le neutraliser, au moyen d’instruments de couvertures (produits dérivés…). Le choix des bonnes couvertures, et l’adaptation du portefeuille (céder une créance, choisir de prêter davantage ou au contraire de freiner…) font partie de la gestion « actif-passif » (ou ALM) , une compétence clé pour les banques. Celle-ci s’est trouvée sous les projecteurs ces deux dernières années, justement car certains établissements n’avaient pas anticipé que les taux monteraient aussi vite et aussi fortement entre 2022 et 2023. Société Générale et la Banque Postale en ont fait les frais, avec à la clé un impact non négligeable sur les comptes.
De nouvelles erreurs de navigation sont-elles envisageables ? Cela dépendra beaucoup de la communication de la banque centrale, laissant anticiper avec plus ou moins de clarté sa politique monétaire pour les mois à venir.
Le retour de la « pentification »
Une autre grande question est de voir comment cette baisse de taux va affecter les groupes bancaires dans leur activité de crédit. La réponse varie selon les catégories de prêts et leur durée.
Pour le crédit à la consommation ou les financements automobiles, les banquiers se montrent optimistes. Ces types de prêts (accordés et refinancés sur des périodes relativement courtes, de trois à sept ans) vont bénéficier grâce à la baisse des taux d’un retour de la « pentification », terme bancaire signifiant qu’il y a à nouveau un écart intéressant entre les taux courts (censés être plus faibles que ceux des taux longs) auxquels la banque emprunte et les taux longs auxquels la banque prête. Ce mécanisme recrée une rentabilité qui s’était largement effritée.
La situation, en revanche, reste préoccupante pour les crédits immobiliers, portés plus longtemps sur le bilan, et très volumineux. En stock, les banques restent coincées par l’énorme masse de prêts accordés sur la période 2016-2022 à des niveaux de prix très faibles. Un prêt immobilier se rembourse en moyenne en une dizaine d’années (souvent en cas d’achat-revente). Ainsi, le secteur risque de traîner ce boulet jusque dans les années 2030, indépendamment du niveau de taux de la BCE.
Quant aux nouveaux prêts, à la différence du crédit à la consommation, ils nécessitent des refinancements de long terme… pour lesquels la fameuse « pentification » n’est toujours pas à l’ordre du jour. Les marges restant assez faibles, il reste à espérer que les volumes soient au rendez-vous. Sur le papier, cela devrait être le cas, puisqu’une baisse des taux rend du pouvoir d’achat aux emprunteurs et vient ainsi stimuler la demande.
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