Après des années de tergiversations, l’Europe s’est lancée dans une stratégie de développement de la filière captage, stockage et valorisation du CO2. Elle s’est fixé des objectifs ambitieux, avec 50 millions de tonnes de carbone stockées par an dès 2030, et 450 millions de tonnes par an en 2050, soit 13 % des émissions européennes (et même jusqu’à 24 % pour le Royaume-Uni). Elle soutient aussi financièrement plusieurs projets de transport et d’infrastructure.
Mais ces ambitions sont mises à mal par un rapport de l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA). Pour ce think tank européen, les technologies ne sont pas encore éprouvées et cette politique risque de déboucher sur une facture très lourde pour le contribuable…
· 83 %
Une étude précédente de l’IEEFA, menée sur 13 expérimentations de captage dans le gaz naturel, la génération d’électricité et l’industrie, montrait que le taux de performance maximal de cette technologie était de 83 %, alors que l’industrie affirme que ce taux varie entre 90 et 95 %. Selon le think tank, trois de ces projets ont même échoué, cinq ont sous-performé par rapport à leur objectif initial, et deux ont refusé de publier leurs données de performance.
Les sites de stockage affrontent aussi de nombreux défis. Sur l’un des projets menés par Equinor, le rapport affirme que du CO2 s’est échappé du réservoir – sans toutefois avoir de conséquences puisqu’il était retenu par d’autres couches géologiques.
· 520 milliards d’euros
Selon l’IEEFA, les « coûts prohibitifs » de la filière ne sont pas près de baisser. A court terme, ils vont demeurer élevés et « pourraient même augmenter ». Le think tank explique en effet que le nombre de projets prêts à fonctionner est extrêmement faible en Europe et la plupart ne sont encore que des prototypes. « Les coûts de construction d’un projet aux Pays-Bas ont plus que doublé, alors qu’une unité de captage de carbone en Norvège a dû être reportée à cause de la hausse des coûts », affirme le rapport, qui parle aussi de nombreux problèmes techniques sur les projets norvégiens.
Le think tank n’a identifié que cinq projets en fonctionnement en Europe, qui ne totalisent que 2,7 millions de tonnes captées par an. La plupart sont des micro-unités qui ont des utilisations bien précises, aux Pays-Bas, en Belgique ou en Hongrie. Par ailleurs, les décisions finales d’investissement ne sont pas encore assurées. Sur les 195 projets annoncés, seuls 11 projets de captage sont en construction, pour un potentiel de 4,6 millions de tonnes par an. Pour mener à bien tous ces projets à grande échelle, le rapport évalue les coûts à 520 milliards d’euros.
· 140 milliards d’euros
Le think tank affirme que le coût du captage, du transport et du stockage des projets européens atteint aujourd’hui 198 dollars la tonne – le haut de la fourchette des prix affichés par certains porteurs de projets, qui parlent de coûts compris entre 150 et 200 euros la tonne. Or, sur le marché, le prix de la tonne de carbone émise, dans l’Union européenne, ne devrait pas aller au-delà de 103 dollars d’ici à 2030, selon les estimations. Pour les industriels, il n’y aurait donc aucun intérêt à décarboner leurs activités sans un soutien public, qui comblerait la différence. Selon les calculs de l’IEEFA, la facture finale s’élèverait alors à 140 milliards d’euros pour les finances publiques.
· 2 projets
Selon l’IEEFA, la réussite des objectifs européens dépend surtout de deux projets de stockage en cours de développement : Northern Lights en Norvège et Porthos aux Pays-Bas. Le premier a été inauguré il y a quelques jours, mais les industriels partenaires de la première phase ne sont pas encore prêts à envoyer le CO2 capté sur leur site. Cela devrait commencer l’an prochain.
Le rapport cite aussi une estimation de Wood Mackenzie, selon qui les coûts de captage, de transport et de stockage des deux projets atteindraient 253 dollars la tonne, au-dessus de la moyenne du secteur, notamment en raison du transport par bateau. « Avec un prix du carbone européen attendu autour de 95 euros la tonne sur la période 2021-2030, le projet Northern Lights n’est pas viable économiquement et repose fortement sur le soutien de l’Etat sur 80 % des coûts associés », affirme le rapport. Les porteurs du projet affirment, de leur côté, qu’ils souhaitent faire baisser les coûts, à terme.
Le coût du projet Porthos, qui prévoit de transporter le CO2 capté dans la région de Rotterdam sur plusieurs sites industriels, devait, lui, être deux fois moindre que celui de Northern Lights, mais il aurait explosé à cause de l’inflation et de la hausse des prix des matières premières, passant de 500 millions à 1,3 milliard d’euros.
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