La perspective d’un triplement de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) a de quoi alarmer Air France et les autres compagnies aériennes. Mais que dire des professionnels de l’aviation d’affaires ! Ce qui les attend est encore bien pire. Selon nos informations, le montant de la TSBA, exigible pour tous les vols au départ de France, pourrait atteindre 3.000 euros par passagers pour un vol long-courrier en jet d’affaires.

Un montant qui pourrait compromettre l’existence même des exploitants d’avions d’affaires dans l’Hexagone, selon Charles Aguettant, président de l’association EBAA France. « Un tel projet ne peut qu’aggraver le déclin du pavillon français, explique-t-il. Une partie des voyageurs iront ailleurs en Europe. Et pour ceux qui continueront à venir en France, ils utiliseront des compagnies et des avions basés hors de France. »

Sans équivalent en Europe
Bien que l’Hexagone reste la première destination des avions d’affaires, une grande partie du trafic est déjà réalisée par des opérateurs et des appareils étrangers. « Aujourd’hui, il y a déjà plus d’avions d’affaires enregistrés à Malte qu’en France, poursuit Charles Aguettant. Or s’il n’y a plus d’avions d’affaires basés en France, ce sont d’autres activités essentielles, comme le transport d’organes et les évacuations sanitaires, qui vont en pâtir. »
Le projet de surtaxation, qui devrait entrer en vigueur en 2025, serait en effet sans équivalent en Europe. La seule comparaison possible serait la taxe italienne de 100 à 200 euros par passager instaurée en 2005 sur tous les vols d’aviation d’affaires à l’arrivée et au départ. Celle-ci s’est traduite par une baisse de 6 % du trafic entre 2005 et 2018, contre 13 % de hausse en moyenne en Europe. Mais dans le cas présent, les montants s’annoncent nettement plus élevés.
Selon nos informations, Bercy prévoit de créer deux catégories spéciales de la TSBA pour l’aviation d’affaires : l’une pour les avions à hélices turbopropulsés et l’autre pour les jets d’affaires. Avec pour chacune de ces catégories, trois tarifs selon la distance parcourue, comme pour le transport aérien grand public.

Pour un vol transatlantique aller-retour [avec 10 passagers], il y en aurait pour 60.000 euros de taxe, sur un trajet à 100.000 euros.
Charles Aguettant Président d’EBAA France

Alors que la taxe passerait de 67 à 200 euros pour un passager de classe affaires ou première sur un vol long-courrier de plus de 5.000 km, son montant pourrait atteindre 3.000 euros sur un jet d’affaires et 1.500 euros sur un « turboprop ». Sur un vol intra-européen, le coût serait de 600 euros par passager pour un jet et 300 euros pour un avion à hélices. L’objectif du ministère du Budget serait de prélever 150 millions d’euros supplémentaires sur l’aviation d’affaires, qui doit déjà supporter, en plus des autres taxes pesant sur l’aérien, un alignement de la fiscalité du carburant sur celle de l’automobile.
Le surcoût d’un vol au départ de France serait donc massif. « Par exemple, sur un Paris-Rome en Falcon avec 10 passagers à bord, le montant total des taxes représentera donc 6.000 euros, pour un coût d’affrètement de vol d’environ 15.000 euros, détaille le président d’EBAA France. Pour un vol transatlantique aller-retour avec le même nombre de passagers, il y en aurait pour 60.000 euros de taxe, sur un trajet à 100.000 euros. »
De quoi faire préférer l’avion de ligne ou les aéroports des pays voisins aux utilisateurs d’avions d’affaires. Mais encore faut-il que l’alternative existe. Ce qui n’est pas toujours le cas. Selon une étude de la Fédération des métiers de l’aviation, présentée en 2023, plus de 75 % des vols de l’aviation d’affaires sont opérés sur des trajets pour lesquels il n’existe pas de réelle alternative ferroviaire ou routière.

La très grande majorité des vols « à la demande » (80 %) sont à motifs professionnels, le plus souvent pour des chefs d’entreprise de taille moyenne, basées en province. Les vols sanitaires représenteraient également un quart de l’activité. Par ailleurs, la moitié de la flotte française est également constituée de petits avions à hélices. On est donc loin du milliardaire allant rejoindre son yacht à bord d’un luxueux jet privé.

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