Des ajustements transitoires, mais sans renverser la table. Après plusieurs réunions interministérielles, le gouvernement français a décidé lundi dernier de soutenir les entreprises de l’automobile menées par Renault qui jugent inatteignables les objectifs CO2 fixés par la réglementation européenne pour 2025.
Paris va donc tenter de convaincre ses partenaires européens de retirer ou d’aménager les pénalités auxquelles font face les constructeurs s’ils ne respectent pas la baisse des émissions de CO2 l’an prochain. Sans renoncer, officiellement, à l’objectif européen ultime d’interdire, dans dix ans, en 2035, la vente de voitures thermiques .
Le gouvernement français veut croire que, conscients de leurs intérêts de long terme, les constructeurs respecteront la réglementation d’eux-mêmes. Sans avoir besoin d’être menacés. « En 2019, on pouvait se demander si l’offre électrique allait émerger sans sanction, argumente une source au sein de l’exécutif. Mais aujourd’hui, les constructeurs ont investi des milliards d’euros , et ils veulent les rentabiliser. Il leur faut faire du volume et vendre des voitures à batteries. »
Disparition de la contrainte carbone
Est-ce tenable ? Une voiture thermique rapporte encore bien davantage qu’une voiture électrique. L’incitation est donc grande, chez les constructeurs, de vendre un maximum de véhicules à essence et de ne pas pousser outre mesure ceux dotés de batteries. Malgré les investissements déjà réalisés dans cette nouvelle motorisation. Certains, qui ont cédé à cette tentation, se retrouvent d’ailleurs aujourd’hui en difficulté.
Supprimer l’amende, aujourd’hui fixée à 95 euros par grammes de CO2 excédentaire, revient de plus à ramener à zéro la valeur du CO2 dans le calcul de la rentabilité des investissements des constructeurs dans l’électrique. Sans amende, le carbone n’est tout à coup plus une contrainte.
Remettre en cause le point de passage de 2025 revient à fragiliser toute la trajectoire devant aboutir sur la fin du thermique en 2035. « Avec un palier de -15 %, l’échéance de 2025 est la plus facile à tenir, expliquait il y a quelques semaines un responsable du secteur. En 2030, la baisse des émissions de CO2 devra être de 50 % ! Si on n’y arrive pas l’an prochain, nous n’y arriverons pas non plus lors des prochaines échéances. » D’autant moins si le secteur sait qu’il peut faire plier le politique et annihiler toute menace de pénalité.
Ouvrir la boîte de Pandore
Patrick Pelata, désormais consultant après avoir été longtemps numéro deux de Renault, ne dit pas autre chose. « Si les constructeurs ne passent pas 2025, ils n’y arriveront pas en 2030 et encore moins en 2035, explique-t-il. Aménager l’échéance de 2025 reviendrait de facto à autoriser le secteur à ne pas suivre le plan fixé par l’Europe. » S’ils réussissent à faire sauter les sanctions pour l’année prochaine, pourquoi écoperaient-ils de pénalités en 2030 ?
Au sein du gouvernement français, on reconnaît d’ailleurs entre les lignes qu’on veut adoucir le rythme d’électrification à court terme pour ne pas sacrifier la chaîne de valeur de l’automobile. « Il faut que la transition se fasse dans un calendrier qui laisse au secteur le temps de se transformer et qui soit compatible avec le maintien d’une activité en Europe », explique une source ministérielle.
D’autant plus que la France, en s’attaquant aux pénalités pour 2025, pourrait donner un nouvel élan à ceux, nombreux, qui veulent dynamiter l’échéance de 2035. Le mois dernier, le patron de BMW Oliver Zipse a demandé à l’Europe de renoncer à la fin des moteurs thermiques à cette date. L’Association des constructeurs européens (ACEA) fait campagne pour avancer la clause de revoyure à 2025 avec la même revendication sous-jacente, tout comme l’Italie.
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