Peu de groupes de luxe ont résisté à l’affaiblissement de la demande des consommateurs, notamment en Chine, au troisième trimestre. La performance d’Hermès, publiée la semaine dernière, s’explique par son positionnement ciblant essentiellement la clientèle à hauts revenus et le lancement réussi de produits plus accessibles, comme les rouges à lèvres. Mais que Miu Miu échappe à la morosité du secteur surprend davantage, car la mode est une des catégories les plus exposées à la volatilité des consommateurs.
La marque fondée en 1993 et qui porte le surnom de sa fondatrice Miuccia Prada a connu un doublement de ses ventes (+105 %) au troisième trimestre, période plus difficile pour d’autres, comme Gucci en repli de -25 %. Cette maison milanaise, qui assure 15 % des revenus du groupe Prada, a connu cette année une croissance fulgurante. Dans une note publiée l’an passé, l’analyste Luca Solca de Bernstein évoquait déjà Miu Miu comme « le miracle du groupe Prada ».

Une identité bien assumée
La recette tient d’abord à l’identité de l’enseigne. Sa fondatrice, qui demeure à 75 ans sa directrice artistique, n’apprécie justement guère pour Miu Miu le surnom de « la petite soeur de Prada », tant elle a veillé à démarquer leurs identités respectives, Prada étant réputée plus traditionnelle. Parmi les clés, une manière de se positionner sans jamais suivre les tendances, avec un état d’esprit réputé décomplexé.
Alors que les concurrents se concentraient sur leurs fondamentaux, « postpandémie, la marque a été portée par des succès retentissants, les minijupes, les twin-sets courts, les ballerines, les lunettes plus récemment. Et elle a également misé sur TikTok et d’autres réseaux sociaux et aussi des plateformes en Asie où sa notoriété est forte », rappelle Joël Hazan, directeur associé de BCG et spécialiste du luxe. « Elle a beaucoup de liberté et d’agilité dans son positionnement, ce qui lui a permis de connaître la plus forte croissance en prêt-à-porter à une période difficile pour la mode », poursuit l’expert de BCG.

La notoriété explose
Miu Miu, qui défile à la Paris Fashion Week depuis 2006 mais pas à Milan, « n’est jamais ennuyeuse », dit un spécialiste de la mode, alors que d’autres ont lassé à force de retravailler leurs modèles iconiques. Sa notoriété a explosé, et depuis deux ans elle apparaît régulièrement en tête des classements des marques de mode les plus « désirables ». Sur le plan industriel, elle a revu sa logistique et son réseau de boutiques, et ceci sur tous les marchés. « Elle a un fort ancrage local, quand elle communique, ses produits sont en boutiques », souligne une ancienne salariée.
L’enseigne va encore grandir, avec, d’ici à la fin 2025, l’ouverture d’une vingtaine de magasins. Après l’Europe et l’Asie, les Etats-Unis sont dans son viseur. « Mais pour transformer l’essai en succès durable, il faut des fondamentaux solides », estime Joël Hazan (BCG). « Il faut à présent que Miu Miu parvienne à faire de ses modèles de sacs un catalyseur de croissance, et à établir des pièces iconiques, notamment dans la maroquinerie », poursuit-il.

En janvier, le groupe L’Oréal, qui a développé avec succès Paradoxe de Prada, un des plus grands lancements de parfum de l’année 2023, va lancer un parfum Miu Miu. Et, le numéro un de la beauté a prévu de développer la marque dans toutes les catégories de la beauté, dont le maquillage. Miu Miu devrait probablement réaliser un milliard de revenus cette année et, selon une estimation récente de Bernstein, ils pourraient même atteindre les 2 milliards dès 2026.

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